Voici un livre tout à fait exceptionnel pour un tout petit prix (12€). A priori, c’est un roman, ou une biographie. Un homme de quarante ans évoque la mort de sa mère, puis revoit son enfance dans une région du centre de la France. On pense à une version rurale de « La vie devant soi » : étonnante naïveté devant la découverte d’un monde en ruines dans les années quarante, un livre écrit dans un style tellement émouvant qu’on se demande pourquoi l’auteur ne livre pas un kleenex en supplément ! Et pourtant ce n’est pas du mélodrame, mais de la vraie vie, une existence vécue, qui fait sourire, ou même franchement rire, de la bêtise humaine, de l’horreur des guerres. C’est du temps retrouvé…On ne peut pas rester insensible devant ce récit sans tape à l’œil, qui évoque des paysages et des gens simples issus du peuple. Il s’agit, indirectement, d’un réquisitoire contre la guerre, d’une révolte contre les conditions de la vie elle-même, une révolte tendre et cruelle contre la méchanceté humaine. On pense à Rimbaud, écrivant « merde à Dieu » à la craie, sur les murs de Charleville. On pense à Céline, dans l’évocation de la « Grande Guerre », on pense à Calaferte dans « C’est la guerre » !
On pense et on s’émeut. Jamais, peut-être, la littérature dite « régionale » n’a été aussi universelle ! Partout, dans le monde, il y a des enfants de sept ans, pour qui le ciel pourrait être bleu. Ici, le ciel est vraiment bleu, malgré le sang qui coule et qui rappelle aussi ce poème de Prévert : « Chanson dans le sang »…
Mais il faut laisser le lecteur savourer le plaisir de la découverte. Hors des modes, hors des normes et des conventions, ce petit grand livre ne peut que plaire à des hommes ordinaires, à des hommes libres, non formatés par le discours lénifiant du moment.
Les Editions Alan Sutton dépassent le cadre régional, et osent publier une littérature qui n’est pas seulement du terroir, ou alors le terroir, c’est l’humanité entière.
On peut se le procurer partout dans l’hexagone en le demandant à son libraire.
(Pour l’anecdote, « Le fond de l’air est bleu » est un hommage à Chris Marker dans « Le fond de l’air est rouge »).