Par Jack DION
Directeur adjoint de la rédaction de Marianne et grand amateur de théâtre.
Curieusement, le carnage qui a eu lieu à Odessa, où quarante séparatistes ont péri dans l’incendie de la Maison des Syndicats, soulève peu de réactions. Pourquoi deux poids deux mesures dans l’émotion et la protestation ?
Imaginons que ce qui s’est passé à Odessa, le 2 mai, ait eu lieu àMaïdan, à Kiev. Imaginons que des révoltés ukrainiens cernés par les partisans de l’ancien régime se soient réfugiés dans la maison des syndicats et que cette dernière ait été incendiée par des forces hostiles, sous les yeux d’une police impassible. Imaginons que l’on y ait retrouvé unequarantaine de cadavres calcinés.
Que se serait-il passé ? L’émotion aurait été à son comble dans les capitales occidentales. Les gouvernements auraient crié au meurtre de masse commis par des sbires de Ianoukovitch. Ils y auraient vu la preuve manifeste de mœurs barbares dans une ville si près de l’Union européenne, à quelques heures de vol de Paris. Des intellectuels de renom auraient aussitôt pris l’avion pour Kiev afin de crier leur solidarité. BHL aurait déjà choisi sa chemise blanche spécial média. Des pétitions circuleraient. L’Europe condamnerait. Laurent Fabius invoquerait les valeurs universelles bafouées.
Et là ? Rien, ou presque. Pas de protestations, pas de dénonciations, pas d’admonestations, si ce n’est à l’égard de… Moscou — à croire que ce sont des espions russes déguisés en ukrainiens pro-occidentaux qui ont fait brûler ceux qui ne jurent que par la Russie éternelle. Certains, qui ne reculent devant rien, ne sont pas loin de le suggérer.