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15 juillet 2017 6 15 /07 /juillet /2017 11:18

 

Il est toujours très difficile, pour le chroniqueur, le témoin de son temps, osons l’expression, que je suis depuis bientôt trente ans, dans des médias réputés petits par la diffusion mais grands par la qualité (je fais ici allusion à « De long en large », à « l’Union Pacifiste, au « Libertaire », à feu « le Provisoire, mensuel du berrichon évolué », à « l’Arbre est dans la graine », et à beaucoup d’autres qui minent souterrainement le capitalisme ultra libéral et la connerie ultra-libérée, lesquels s’expriment dans de prétendus grands journaux, qui ne sont lus que par les malades qui attendent chez le dentiste, chez le médecin ou chez le coiffeur ! alors que nos lecteurs à nous sont tous en bonne santé mentale !) donc je reprends ma phrase proustienne (ou mal foutue) il est difficile de choisir l’information la plus pertinente, la plus significative, qui donne l’image la plus exacte de la France de l’an 2002.

Ainsi, en ce 14 mars 2002, j’ai le choix entre trois nouvelles d’un intérêt exceptionnel : le médecin de l’abbé Pierre, la femme qui meurt deux fois, et le faux policier-violeur. Le caducée et le goupillon, la fausse résurrection et la faute de français connue sous le nom de pléonasme.

Commençons par le commencement, c’est-à-dire l’abbé Pierre. Comme vous, je sais depuis longtemps que si l’abbé Pierre ne meurt jamais, c’est qu’il est soigné par un excellent médecin, c’est-à-dire un praticien, qui le remplace à chaque fois qu’il meurt. Vous pensez bien que depuis l’hiver 53 ou 54, l’abbé Pierre n’est plus le personnage d’origine. Il y a belle lurette que le premier abbé Pierre est retourné à la poussière, comme c’est prévu dans les textes officiels du Vatican. Or voilà que son médecin (le combientième depuis 1954 ?)  vient d’être arrêté pour quatre hold-up commis en 1990 et condamné par contumace depuis cette date à neuf ans de prison. Cette nouvelle pose d’épineux problèmes de nature religieuse. Tout d’abord, l’abbé Pierre a-t-il correctement confessé son médecin durant les douze dernières années ? Ensuite, les faits s’étant déroulés dans la région de Milan, l’abbé Pierre appartient-il à la mafia ? (je ne parle pas de la mafia du Vatican, celle-là est autorisée). Ce braqueur étant âgé aujourd’hui de 45 ans, l’abbé Pierre, l’a-t-il connu dans les années soixante et n’a-t-il pas commis, à cette époque, des actes de pédophilie, qui expliqueraient le comportement anormal de ce médecin ? Il nous semble que l’inusable abbé s’est mis dans un bien mauvais cas de figure. A moins, évidemment, que ce jeune médecin ait commis ses hold-up dans le noble but d’acheter en Italie des abbés Pierre de rechange (ou d’occasion !) qui coûtent nettement moins cher qu’en France, les ecclésiastiques étant détaxés au pays des papes, et produits en série. On saisit en tout cas l’importance de cette information, qui mériterait d’être étudiée de plus près, sur TF1, par exemple.

 Le cas de la femme qui meurt deux fois est également du plus haut intérêt. Cette brave retraitée de 72 ans a été, dit mon quotidien, « déclarée morte à tort, décédée à tort dans la chambre froide d’un cimetière ». Elle serait, si je comprends bien la langue française, décédée à ses torts ? Auquel cas, elle n’a rien à dire. L’affaire s’est déroulée dans une maison de retraite et le médecin (pas celui de l’abbé Pierre, attention, ne mélangeons pas tout !) ayant constaté le décès avait fait « placer le corps en chambre froide » (sic).Or, quelques heures plus tard, les employés de la morgue, voulant mettre le corps dans un cercueil, l’avaient trouvé tiède, le corps. Il y a là un évident dysfonctionnement de la chambre froide, puisqu’elle attiédit, autrement dit réchauffe les vieux morts. On dépêche alors un second médecin (qui n’est toujours pas celui de l’abbé Pierre, il a déjà commis quatre hold-up, on ne va pas lui mettre cette affaire sur le dos, en plus, déjà qu’il supporte des abbés Pierre à longueur d’années) qui, se basant probablement sur la tiédeur du corps, établit un second certificat de décès. Le Parquet a ouvert une enquête pour « homicide par imprudence ». Voilà qui me paraît bien aventureux, car si cette femme se réchauffe dans les frigidaires, qui nous dit qu’elle ne va pas refaire le coup une troisième fois ? Ou alors n’a-t-on pas confondu la chambre froide et le four à micro-ondes ? Vous avouerez que cette histoire est troublante et l’on discerne à travers ce problème de société, comme une sorte de malaise chez les médecins (et chez leurs clients !).On saisit en tout cas l’importance de cette information, qui mériterait d’être étudiée de plus près sur TF1, par exemple.

 Reste le cas du faux policier violeur. La particularité de ce personnage très imaginatif c’est qu’il se présentait comme un policier en civil mais qu’il était « reconnaissable à sa parka jaune ». Il avait donc inventé le faux uniforme pour passer inaperçu. A ce stade de la réflexion on est en droit de se demander s’il n’y pas davantage de policiers qu’on croit en France, puisque la « parka jaune » est présentée ici comme un uniforme clandestin. Mais ce qui intrigue surtout dans ce fait de société, c’est que ce faux policier ne se soit pas acheté un vrai uniforme. Il aurait été beaucoup plus facile pour lui d’exercer ses activités dans les vrais commissariats, ainsi qu’on l’a vu souvent dans les faits-divers.

Le lecteur va se demander où se situe exactement la cohérence de ces réflexions philosophiques. Réponse : dans le déguisement. L’abbé Pierre est déguisé, ce n’est pas le vrai. Le policier est déguisé en non-déguisé, ce n’est pas le vrai. La vieille femme vivante est déguisée en vieille femme morte, ce n’est pas une vraie. 

Encore un problème de société qui mériterait d’être étudié sur TF1 !

 

Rolland HENAULT (paru dans En long en Large, 2002)

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