Je vais te tutoyer mon vieux Samuel même si je te connais pas. Ta photo s’étale partout à Conflans, dans les abris bus, au fronton de la mairie, dans le bulletin municipal que j’ai balancé à la poubelle. Cette exposition du malheur a quelque chose de répugnant.
Les flics ont cerné mon quartier avec leurs mitraillettes pointées sur les murs du collège, pour le tenir en respect sans doute.
Ecoute, je vais te parler sans détours. Je crois que tu t’es fait baiser. Baiser par l’esprit Charlie. Sauf que toi t’avais ni blockhaus ni gardes du corps.
Pierre Perret qu’en rate pas une pour faire sa pub s’est fendu d’un commentaire du genre « il en faudrait d’autres des gars courageux comme Paty ». Eh bien commence donc le premier, Pierrot !
Moi je donnerai qu’un conseil : restez tranquilles ! Les va-de-la-gueule qui voudraient nous faire rejouer les Croisades oublient une chose : les gueux n’y allaient pas. Alors messieurs les Gros si vous voulez la guerre, payez-la de votre peau, comme dit la chanson (de Craonne). Ou alors donnez-nous des armes si vous êtes sûrs qu’on les retournera pas contre vous.
Les caricatures c’est quand elles sont subversives qu’elles font de l’effet, pas quand le ministre veut les exposer dans les écoles. Si les dessinateurs deviennent les larbins de l’Etat, ils perdent leur raison d’être. Quand Wolinski est entré au Nouvel Obs et Cabu au Canard Enchaîné, ils n’ont plus fait rire personne. J’espère au moins qu’ils s’emmerdaient beaucoup dans leur rôle de bourgeois (Cabu avait son couvert chez le maire de Paris).
Je me souviens pas que le ministre ait un jour diffusé les caricatures de Jésus ou du pape dans les collèges. Alors pourquoi le faire avec Mahomet ? C’est pas le rôle de l’école d’être iconoclaste. L’école devrait rester conservatrice et autoritaire. Pour nous former correctement à la révolte.