Il s’agit du titre d’un livre que vous n’aurez pas le droit d’acheter dans la France libre d’aujourd’hui (2009). Pourtant, comme le film censuré par les multinationales de la distribution cinématographique (La Journée de la Jupe, qui passait en boucle sur la chaîne « 13ème rue » et qui va sortir en DVD fin septembre), il s’agit d’un constat : l’état de délabrement incroyable du système éducatif, et le mensonge ahurissant qui consiste à dissimuler une vérité douloureuse derrière des résultats sensationnels au bac !
Le niveau monte, certes, mais c’est le niveau de la merde !
Avant d’aborder, très vite, le livre et l’auteur du livre, une petite réflexion tout de même sur la portée du titre : la merde !
Le mot « merde », au sens dit « figuré », désigne un individu méprisable, un objet de peu de valeur, une situation inextricable. C’est l’un des mots-clés de la langue française observe le linguiste Pierre Guiraud. Il apparaît au 13ème siècle dans le « Roman de Renart » et il vient du latin «merda», dont l’origine est inconnue. On sait aussi que l’exclamation du général Cambronne à Waterloo exprime le refus insultant de se rendre à l’ennemi. Plus tard, l’écrivain Alfred Jarry lui a donné une tonalité littéraire, par l’adjonction d’un « r » supplémentaire : « merdre ».
Mais dans le cas qui nous intéresse, il s’agit bien de l’insulte la plus méprisante qu’on puisse adresser à quelqu’un et c’est pourquoi le titre du livre (introuvable en cette période de rentrée !) «Vous êtes une prof de merde», nous permet de mesurer le degré d’abaissement des enseignants chez les élèves, chez les parents, dans leur administration elle-même, dans la société dans son ensemble.
L’auteur a donc signé d’un pseudonyme, Charlotte Charpot. De quoi s’agit-il ? D’un simple témoignage sur les lycées en zone qualifiée de « sensible ». D’abord dans la banlieue de Nîmes, puis en Belgique, où cette jeune prof de lettres a tenté d’échapper à la violence quotidienne. Hélas ! Elle a trouvé pire ! Après sept ans d’enseignement, elle a donc jeté l’éponge ! Elle en aurait pourtant eu besoin, de l’éponge, pour nettoyer les flaques d’urine et les excréments déversés devant les portes de certaines classes. On croit rêver, ou plutôt cauchemarder !
Charlotte Charpot évoque le climat de violence, que les chefs d’établissements disent « gérer ». Comme s’il était normal que le racket, le vol, parfois le viol, et même le crime de sang, soient envisageables, dans le cadre d’un établissement scolaire, comme des problèmes pédagogiques, dont ils auraient la gestion !
Elle rappelle encore que, parfois, sur une durée d’une heure de cours, le prof parvient à se faire entendre un quart d’heure. Plus subtilement encore, elle évoque la violence latente qui s’exprime par des bousculades volontaires, ou même par le simple regard. Bien entendu, les agressions physiques ne manquent pas.
On peut comprendre que ni les enseignants ni l’administration n’osent se livrer à un véritable « état des lieux ». Le mensonge, ou plutôt le mutisme généralisé peut laisser croire que tout se déroule normalement.
Ainsi, cette rentrée des classes 2009, avec la perspective de la suppression de plus de 13000 postes d’enseignants, est qualifiée de correcte par le soi-disant ministre Luc Châtel. C’est oublier que ces propos relèvent de l’escroquerie intellectuelle. On ne publie d’ailleurs jamais le chiffre des suicides d’enseignants, comparable à celui des travailleurs des Télécoms. Les ministres osent parler d’une « mode » !
Le livre, que les français n’ont plus la possibilité de se procurer, paraît rédigé dans un langage qui mêle l’humour et la gravité. Ainsi, le pseudonyme de l’auteur est-il l’anagramme de « Pochard », le conseiller d’Etat auquel M. Fillon avait confié une mission de réflexion sur « La redéfinition du métier d’enseignant ». « Rapport enterré » dit le journal Le Monde du 08/09/09 !
Vous pourrez toujours vous faire une idée sur ce livre dans les entretiens que l’auteur en donne sur certaines chaînes de télévision, et surtout sur Internet.
Plusieurs sites l’évoquent plus ou moins longuement, et « Youtube » vous offre même 3 minutes 40 de vidéo.
Mais qui en parlera dans la presse écrite ? Quelque chose me dit que ça va paraître dans l’Echo.
En tout cas nous voici désormais autorisés à affirmer que nous avons des ministres de merde, et rien ne nous interdit maintenant de tirer la chasse d’eau.
Rolland HENAULT (« Articles » Volume 2 - Editions de l’Impossible)