Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 mai 2025 6 03 /05 /mai /2025 10:28

La légende de la papesse Jeanne apparaît, pour la première fois, dans des écrits datant du XIIIe siècle. Selon ces œuvres, une jeune fille originaire d’Allemagne ou d’Angleterre se serait déguisée en homme pour suivre son amant. Ensemble, ils auraient voyagé jusqu’à Albion puis à Athènes, où elle aurait étudié la philosophie et la théologie. À la mort de son compagnon, Jeanne aurait rejoint Rome et gravi les échelons de l’Église en tant que clerc, puis cardinal, en cachant son identité. En 855, elle aurait été élue pape par acclamation populaire. Pendant deux ou trois ans, elle aurait dirigé l’Église sans que personne ne se doute du secret sulfureux qui se cachait sous les vêtements du souverain pontife.

Cependant, alors qu’elle participe à une procession de l’Ascension ou de la Fête-Dieu, entre Saint-Jean-de-Latran et l’ancienne basilique Saint-Pierre, la papesse est prise de violente douleur au ventre et doit descendre de son cheval. Elle accouche alors en pleine rue, trahie par une grossesse qu’elle avait dissimulée sous ses amples ornements liturgiques. La foule, stupéfaite et furieuse, la lapide sur place ou, selon d’autres versions, l’attache à la queue de son cheval pour la traîner dans les rues de Rome.

Cette histoire aurait entraîné des conséquences directes sur les rituels pontificaux. L’Église aurait alors instauré un cérémonial étonnant : le nouveau pape devait s’asseoir sur une chaise percée afin qu’un ecclésiastique vérifie, à travers l’ouverture, la présence d’attributs masculins. Celui-ci s’exclamait alors : «Duos habet et bene pendentes » (« Il en a deux et elles sont bien pendantes »), tandis que les cardinaux répondaient en chœur : « Deo gratias » (« Nous rendons grâce à Dieu »). Si ce rituel a bien existé, il est davantage considéré, aujourd’hui, comme le symbole d'une virilité spirituelle plutôt qu'un véritable protocole imposé par une réalité historique.

Cependant, de nombreuses incohérences historiques viennent discréditer ce récit, au grand dam de certains, comme Sandrine Rousseau, qui rêvent de voir un jour une femme à la tête de l'Église de Rome. En effet, la papesse Jeanne aurait régné, selon les chroniques, entre 855 et 858. Or, ces dates de pontificat coïncident exactement avec celles du pape Benoît, dont l’existence est attestée non par de simples écrits mais par des faits concrets, notamment par ses relations avec les souverains d’Europe et l’Empire byzantin. De même, la Fête-Dieu, durant laquelle Jeanne aurait accouché, n’a été instaurée qu’en 1264 par le pape Urbain IV, soit quatre siècles après les faits supposés.

Selon l’historien Agostino Paravicini Bagliani, la figure de Jeanne est l’expression d’une peur misogyne à l’époque médiévale signifiant que « même une femme aussi exceptionnellement instruite ne pouvait accéder à la dignité de pontife romain ». D’autres chercheurs soulignent également que la légende pourrait aussi découler d’une confusion historique : Jean VIII, pape en 872, surnommé « la papesse » pour sa faiblesse supposée face à Byzance, aurait pu être ainsi à l’origine de la rumeur.

 

Source

Partager cet article
Repost0

commentaires