Un sondage a fait la une de tous les médias, au cours des derniers jours. 79 % de Français seraient favorables à l’installation de portiques à l’entrée des établissements scolaires. Il semble que chacun se fasse sa propre représentation de ce que seraient ces portiques. Certains doivent imaginer des détecteurs de métaux ultra-sophistiqués, comme dans les aéroports ou les prisons, avec un scanner pour les sacs… D’autres, plus réalistes, pensent que de simples tourniquets, comme on en trouve déjà dans de nombreux lycées, suffiraient. Mais suffiraient à quoi ? Un établissement scolaire est un lieu très spécifique, qui est à la fois ouvert et fermé.
Jusqu’à présent, la préoccupation essentielle de la plupart des directeurs était d’empêcher les élèves de sortir et de vérifier leur présence au cours de la journée, pas de les empêcher d’entrer. Ceux que l’on essaie d’empêcher d’entrer, ce sont les extérieurs, qui font assez facilement le mur quand il y a un dispositif de sécurité à l’entrée ou qui empruntent les badges d’élèves inscrits pour s’introduire. Reste la reconnaissance faciale, dont on entend parler. Et là, on croit marcher sur la tête, dans cette spirale sécuritaire absurde où l’on aura toujours deux pas de retard tant que l’homme sera mortel et que certains auront de mauvaises intentions.
L’élève qui a tué et blessé ses camarades à Nantes faisait partie des effectifs de l’établissement. Il aurait donc passé tous les contrôles : il aurait passé le tourniquet, aurait pu badger si tel avait été le système en place dans ce lycée, il aurait même passé des contrôles biométriques. Il n’aurait évidemment pas apporté de couteau de chasse s’il y avait eu un détecteur de métaux. Il aurait alors pris un couteau avec une lame en céramique ou l’une de ces armes en alliage plastique-résine qui ne se détectent pas.
Le souci n’est pas l’outil que l’on utilise mais la main qui le tient. Lors d’un stage en hôpital psychiatrique pour enfants, j’ai vu au cours d’un déjeuner une adorable fillette de huit ans planter avec un calme stoïque une fourchette dans la main de son voisin parce qu’il avait eu l’impudence de lui voler son yaourt. Si un élève veut frapper un camarade, un compas, un clavier d’ordinateur, un casque de moto font parfaitement l’affaire. Et tout établissement scolaire a un local technique dans lequel on trouvera tournevis, marteaux, perceuses et autres accessoires utiles.
Les Français sont donc prêts à ce que l’État dépense des millions dans des investissements qui n’auront pas les effets magiques escomptés ? Ça fait cher le cautère sur la jambe de bois. On est encore dans la politique émotionnelle, qui n’a d’autre efficacité que d’apporter une réponse impulsive à un malaise psychologique. Politique spectacle qui prétend résoudre un problème sociétal au moyen d’objets, comme les parents croient protéger leur enfant en lui mettant un traceur GPS.
C’est l’âme humaine qui est responsable, pas la main. Or, depuis quelques décennies, nombreux sont ceux qui jouent avec l’esprit des enfants comme avec celui des adultes. Abruti de pubs, ciblé par les algorithmes des réseaux sociaux, exalté par une ultra-violence qui s’étale sur tous les écrans, imbibé de drogues et de médicaments, gavé de sucre et de porno, l’Occidental moderne va devoir cesser de chercher à se protéger et réapprendre à se défendre.