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29 janvier 2011 6 29 /01 /janvier /2011 08:07

Une polémique autour d'un lot de jeu télévisé sur France 3, l'annulation d'un concert de la chanteuse Vanessa Paradis en Israël, et d'une conférence de Stéphane Hessel en France: derrière ces trois incidents récents, la guerre farouche que se mènent, en France, pro-Israéliens et pro-Palestiniens. D'un côté l'association Boycott Désinvestissements Sanction. De l'autre, le Bureau National de Vigilance contre l'Antisémitisme. Leur terrain de bataille ? La campagne de boycott d'Israël et de ses produits. Leurs outils ? Des sites Internet leur permettant de communiquer, se faire entendre et constituer leur réseaux.

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> > L'annulation de la conférence autour de Stéphane Hessel à l'Ecole Normale Supérieure de Paris a été connue le 12 janvier. Celle du concert de Vanessa Paradis, programmé en février prochain à Tel-Aviv, rendue publique le 14, le retrait d'une machine à soda comme lot offert dans l'émission Slam sur France 3 révélée par le Point.fr le 11... Derrière cette série d'incidents, un conflit entre pro et anti-Israéliens, sur fond de campagne de boycott d'Israël.

> > Prévue le 18 janvier, la conférence de Hessel avait pour objet, entre autres, la promotion d'une campagne de boycott. des produits israéliens. La directrice de l'ENS, Monique Canto-Sperber, a annulé l'événement une semaine avant sa tenue. Des organisations juives onnt-elles exercé des pressions ? La direction de l'ENS le dément, qui s'est défendue en évoquant des motifs de "sécurité".

> >  Vanessa Paradis, quant à elle, aurait annulé son concert après avoir été lourdement incitée à boycotter l'Etat juif. Samedi dernier, "une trentaine de militants du BDS avait défilé avant son concert, à Conflans-Sainte-Honorine, appelant l'artiste à ne pas chanter en Israël", rappelle Le Point. Elle avait déjà reçu une lettre ouverte le 27 décembre l'incitant à ne pas se rendre à Tel-Aviv: "Vous qui avez participé à de nombreux concerts caritatifs, vous qui êtes mère, vous qui êtes marraine d’une association qui réalise les rêves des enfants, nous vous demandons de penser aux milliers d’enfants palestiniens qui n’ont pas la chance aujourd’hui de pouvoir rêver..."

> > Le courrier se concluait ainsi : "Alors que certains ne manqueront pas d'interpréter votre concert comme un soutien politique, et pas seulement culturel, à l'Etat d'Israël, nous espérons au contraire pouvoir vous compter parmi les artistes du monde entier qui se sont joints aux appels au boycott d’Israël..." Elle a officiellement annulé sa prestation pour des "impératifs personnels"
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> L'affaire de la "carafe à soda" de France 3

> > La troisième bataille récente a eu pour enjeu une machine à soda (ustensile permettant de gazéïfier l'eau courante, en lui ajoutant éventuellement des arômes), offerte en lot dans un jeu télévisé de France 3. Or l'appareil aurait été fabriqué dans une usine de Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël. Une association pro-palestinienne en appelle à la vigilance de France 3. Dans son courrier de réponse, une représentante de la chaîne écrit: "j’ai le plaisir de vous informer que la «carafe soda club» n’est actuellement plus proposée aux candidats du jeu «Slam», sur France 3". Une formulation qui provoque la colère du BNVCA. Il réclame aussitôt à France 3 de "revenir sur sa décision discriminatoire et illégale" et de "réhabiliter Sodastream sans délai". Coïncidence ? Circonstance aggravante aux yeux des partisans du boycott ? Le jeu est produit par la société de la productrice Simone Harari, militante anti-boycott résolue (elle a notamment signé un appel de protestation initié par BHL contre le boycott l'an dernier, par une chaîne française de cinémas, d'un film israélien).

> > Derrière les trois incidents, on retrouve les mêmes protagonistes. A la manoeuvre, plusieurs organisations opérant grâce à un maillage de militants et de soutiens ainsi que d'Internet. D'un côté, BDS France. De l'autre, le BNVCA et le Crif.

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La page d'accueil du site de BDS France revient sur les dernières actualités concernant le boycott en France.

BDS France s'est créée en juin 2009 après l'opération "plomb durci" menée par Israël dans la bande de Gaza (voir notre dossier). Cette entité est affiliée à un mouvement international -le Boycott, Désinvestissment, Sanctions-, créé en 2005. Ses membres mènent une "campage politique" sans "motif communautaire ou antisémite", explique Imen Habib, une représentante du mouvement jointe par @si.

Une cinquantaine d'associations participent aux campagnes de boycott estampillées BDS. On y trouve notamment l'Union juive française pour la paix, la confédération paysanne, le syndicat Solidaires ou des militants du NPA. BDS France fonctionne sans permanent, seulement "quelques animateurs", et dispose d'un réseau d'une cinquantaine de comités locaux, qui lui permet de mener ses actions sur l'ensemble du territoire. Leurs manifestations, souvent coup de poing, vont du sittin dans les supermarchés pour protester contre la vente de produits fabriquées en Israël à l'appel à boycott des artistes, comme on l'a vu avec Paradis. Chaque action est immédiatement popularisée sur le site.

"Nous pointons du doigt ce que le BNVCA ou le Crif essaient de cacher. Et ils flippent malgré nos petits moyens", poursuit Imen Habib. Quels sont ces moyens ? "Quelques dons et l'apport de nos militants"...

 

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> "Une nébuleuse hors-la-loi et délinquante"

> > Fondateur en 2002 du BNVCA, l'ancien commissaire de police Sammy Ghozlan ne sous-estime pas ses adversaires. S'il considère BDS comme "une nébuleuse sans existence, hors la loi et délinquante", si avec sa "petite équipe de bénévoles", (une trentaine de personnes dont six permanents), il fait tout aujourd'hui pour éliminer la "nebuleuse", il assure néanmoins qu'il "l'admire pour son travail", sa force de coordination, et sa communication.
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> > Dans son combat contre "l'incitation à la haine d'Israël " Ghozlan assure ne disposer que de peu de moyens. Ses principaux soutiens financiers ? Des donateurs anonymes, mais surtout une association: Verbe et Lumière, "qui lutte contre le négationnisme et l'antisémistisme". Mais encore ? Ghozlan reste flou. "Heu... c'est une association qui octroie des donations... en fait, c'est comme un club." Verbe et lumière (dont @si n'a trouvé aucune trace sur la Toile) est associé au centre Simon Wiesenthal. Lequel, pour dispenser ses largesses à l'association de Ghozlan, passerait par cette association-écran, dont le BNVCA assure ne rien savoir (quant au centre Wiesenthal, il n'a pas répondu aux questions d'@si).

> > Ancien commissaire de police de Seine-St-Denis (93), délégué du Crif pour le 93, président du conseil des communautés juives de la Seine-St-Denis (CJJ 93), Ghozlan fait fonction de lanceur d'alerte sur les agressions antisémites, réelles ou non. Il a été fait chevalier de la légion d'honneur en 2010 par Brice Hortefeux "pour services rendus à la nation" -le même Hortefeux à qui il fait appel aujourd'hui pour fermer le site de BDS France.

 

 

Le site du BNVCA publie, lui aussi, ses communiqués sur les différentes manifestations qui "appellent au boycott".


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> > Mais les soutiens de l'ancien commissaire Ghozlan dépassent le ministère de l'Intérieur. Il se targue de compter aussi des soutiens dans le monde judiciaire. Ghozlan affirme ne pas être pour rien dans la publication en 2010, d'une circulaire émanant des services de la chancellerie (Michèle Alliot-Marie était alors ministre) appelant les parquetiers à réprimer fermement les appels au boycott. Objectif : "assurer de la part du ministère public une réponse cohérente et ferme à ces agissements". Le document s'appuie sur l'article 24 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui punit "ceux qui (...) auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée". C'est précisemment sur ces deux textes que Ghozlan fonde aussi les poursuites en justice intentées contre Hessel et quelque 80 partisans du boycott en France. Les premiers jugements rendus par les tribunaux français, condamnant les instigations au boycott, lui ont pour l'instant donné raison.

> > Sur ce front judiciaire, BDS s'affirme néanmoins confiant. D'abord, les partisans du boycott invoquent le droit européen. Dans l'arrêt Brita, rendu le 25 février 2010, la Cour de justice de l'union européenne (CJUE) déclarait en effet que les produits "obtenus dans des localités qui sont placées sous administration israélienne depuis 1967", c’est-à-dire les territoires occupés, ne peuvent pas être exportés sous certificat d’origine israélien.

> > Mais les BDS ne visent-ils que ces produits-là ou bien, comme l'indique le texte de leur site, tous les produits israéliens ? Un certain flou semble régner, d'autant, comme le souligne aussi le site de BDS, que "Israël délivre de manière indifférenciée des certificats d’origine pour l’ensemble des exportations, il n’est pas possible depuis l’Europe de faire la distinction".

> > Même désavoués, pour l'instant, par les tribunaux, les partisans du boycott comptent -eux aussi- des soutiens dans le monde judiciaire. Secrétaires nationaux du syndicat de la magistrature (gauche), Benoist Hurel et Patrick Henriot, dans une tribune de Libération (21 janvier) dénoncent la multiplication des poursuites. "Un texte de loi, réprimant la "provocation publique à la discrimination envers une nation", a été voté en 1977, sur le fondement duquel peut être réprimé tout appel au boycott d'un Etat, rappellent les deux magistrats (révélant au passage une autre base légale aux poursuites). Le nombre de poursuites pour ce type de faits était toutefois extrêmement faible jusqu’à ce que le ministère de la Justice n’invite, dans une circulaire du 12 février 2010, les procureurs à assurer une répression «ferme et cohérente» de ces agissements". Or "la nécessité de mobiliser la loi pénale ne s’évalue pas à l’aune des intérêts communautaires ou partisans des uns et des autres (...) la libre contestation de l’action des Etats comme de celle des hommes, ne sont pas solubles dans ces intérêts (...) des actions de boycott contre des Etats ont déjà été conduites dans le passé à l’égard del’Afrique du Sud, de la Chine ou de l’Inde."
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> Trois militants BDS comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Perpignan le 24 janvier. Et ce ne sera certainement pas le dernier épisode de cette cyber-guerre.

> > (Par Mathias Destal)

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