Notre modèle de développement repose sur la production de produits à haute valeur ajoutée. Celle-ci fait appel à des compétences que seule une élite du corps social peut acquérir, parce que la formation est coûteuse, et la médiocrité du système public français de formation ne fait que creuser ces inégalités entre riches et pauvres devant le savoir et la compétence. Mais par-delà ce cas particulier, la tendance est universelle.
La haute valeur ajoutée fait appel à une main-d’œuvre restreinte, fût-elle qualifiée : il faut moins de gens pour fabriquer et envoyer un satellite dans l’espace qu’il n’en faut pour vêtir une société entière de pantalons et de chemises. La complexité croissante des produits modernes entraînant une raréfaction des offres de salaires, nos sociétés se divisent entre ceux qui sont utiles par leur travail, et ceux, de plus en plus nombreux, qui ne sont utiles que par leur consommation, moteur indispensable de l’économie.
Pour assurer à cette deuxième catégorie un pouvoir d’achat suffisant afin de jouer son rôle, le revenu général est partiellement redistribué par la puissance publique. Mais cette répartition n’ébranle en rien la hiérarchie sociale issue de l’évolution économique ; c’est pourquoi nous voyons les inégalités se creuser continuellement depuis 1980 environ, de sorte que nous avons retrouvé aujourd’hui le niveau d’inégalité du XVIIIe siècle.
Cette tendance se poursuivra : des riches de plus en plus riches, des pauvres de plus en plus pauvres, et des classes moyennes qui s’appauvrissent. Cette inégalité est certes atténuée par l’enrichissement global en équipements publics et privés, mais nous jouons quand même au jeu de Monopoly 1 où, à la fin – mais sur un temps plus long – même les « moins riches » sombrent et seuls subsistent les plus riches, puis enfin le seul et unique plus riche. Aujourd’hui, 1% de la population mondiale possède la moitié du patrimoine universel. En miroir, 50% des Américains se partagent 1% seulement de leur richesse nationale. Les apparences trompeuses (Bill Gates habillé en jeans comme peut l’être aussi un chômeur…) pas plus que les préjugés ne doivent nous induire en erreur : ainsi 7% des millionnaires du monde vivent en France, pays pourtant réputé faire fuir les riches… contre 1,6 % vivant en Angleterre, pays réputé mieux les accueillir…
1. Inventé par l’ingénieur-chômeur Charles Darrow (1889-1967).