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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 09:47

 « On a tous quelque chose en nous de Michael Jackson. » Cette déclaration de Frédéric Mitterrand, au lendemain même de sa nomination au poste de ministre de la Culture, avait de quoi inquiéter, par sa bêtise épaisse, les amoureux de la chanson dite « à texte », déjà grandement malmenée par tous ses prédécesseurs à ce poste.


En mars 2011, comme pour mieux confirmer nos craintes, ledit ministre, dans son très officiel recueil annuel des célébrations nationales, eut l’idée très culturelle d’honorer l’éternelle « idole des jeunes », Johnny Hallyday, une façon comme une autre de signifier, sans doute, que nous avons tous en nous une part d’inculture crasse, de goût immodéré pour le ralliement à toutes les modes et pour la putasserie médiatique.


Avant de quitter sa fonction dans quelques mois, peut-être, il convenait pour le ministre de parfaire cet hommage inachevé au plus populaire des arts. C’est chose faite, depuis peu, avec l’attribution de la Légion d’honneur, pour la promotion du nouvel an, au duo de poètes délicats des années 70, Stone et Charden (« Et dans mon cœur j'ai toujours gardé/Les vaches rousses, blanches et noires/Sur lesquelles tombe la pluie/Et les cerisiers blancs made in Normandie/Une mare avec des canards/Des pommiers dans la prairie/Et le bon cidre doux made in Normandie/Les œufs made in Normandie/Les bœufs made in Normandie/Un p'tit village plein d'amis/Et puis les filles aux joues rouges/Qui donnent aux hommes de là-bas/L'amour made in Normandie »).


Cette distinction semble avoir chagriné quelques passionnés de chanson de paroles qui, depuis le temps qu’elle reçoit des coups de pied au cul et le mépris intégral des plus hautes instances de l’Etat, semblent néanmoins espérer encore un mot, une médaille, un geste de reconnaissance venu d’en haut. Sans vouloir les commander, bien sûr, il conviendrait que ces fidèles, sous peine de sombrer rapidement dans le ridicule, abandonnent au plus tôt cette vaine espérance de voir un jour la poésie mise en musique honorée par une institution qui confond absolument la chanson avec l’industrie du spectacle, le show-biz et l’abrutissement collectif.


S’il est, en revanche, un fait marquant dans cette récente distribution de hochets, c’est bien l’injustice flagrante consistant à ne récompenser que ces deux seuls représentants du crétinisme musical. L’hommage appuyé à la connerie chantée auquel M. Mitterrand semble tenir imposait en effet qu’on distinguât bien d’autres spécimens ayant œuvré dans ce créneau. Les Richard Anthony, Frank Alamo, Michèle Torr, Sheila, Herbert Léonard, Patrick Juvet, Rika Zaraï, d’autres encore, beaucoup d’autres…
Mais j’y songe soudainement ! Sans doute la Légion d’honneur leur a-t-elle déjà été attribuée. Jack Lang n’a pas pu ne pas y penser !…

Comme l’instituteur d’autrefois distribuant bons points et images aux élèves méritants et disciplinés, la République a ses enfants sages et travailleurs, qu’elle récompense au seuil de chaque nouvelle année en leur offrant la Légion d’honneur, petite tache de sang de cochon sur la boutonnière des gens bien.
Politiciens de haut rang, élus locaux, artistes, chefs d’entreprise, commerçants, scientifiques, sportifs, syndicalistes, gens de lettre et enseignants, tous les « acteurs de premier plan » de la vie sociale reçoivent tôt ou tard, pour prix de leur complicité et de leur attachement aux institutions, cette distinction ridiculement flatteuse qui, en janvier, fait grossir un peu plus la secte des Adorateurs de l’État.
Aux étages inférieurs, parmi ces armées de figurants jamais conviés aux coûteux banquets d’une prétendue élite, il y a bien sûr des envieux et des jaloux, qui voudraient bien… Alors, on a prévu pour eux d’autres hochets, diplômes de bons et loyaux services, brevets, certificats, médailles du travail, du mérite, du courage, inutile paperasserie ou hideuse quincaillerie pour esclaves satisfaits.
Après la fête, de tristes et misérables décorations pendouillent sur des sapins en décomposition. On dirait tout ce beau monde…

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commentaires

O
J'aime infiniment ce qu'écrit Floréal, formidable contributeur enrichissant depuis peu le blog d'Élizabeth. Son article "La cuculture" m'évoque Frank Lepage dont j'ai adoré " Petits contes<br /> politiques et autres récits non autorisés " de son DVD : INCULTURE(S). Floréal et Lepage : frangins d'idées roboratives, me semble-t-il. OLE
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