Le pataphysicien Jacques Carelman s'est éteint la semaine dernière à l'âge de 83 ans, a annoncé son dernier éditeur, Emmanuel Pierrat. Il s'était fait connaître avec son Catalogue d'objets introuvables (1969), un répertoire d'objets absurdes comme une cafetière pour masochistes dont le bec verseur est du côté de l'anse, ou le fameux couteau sans lame auquel il manque le manche. Le Catalogue a été réédité au Cherche-Midi en 2010.
Carelman – qui venait du Surréalisme et n’a jamais renié ses origines, comme l’attestent les citations en bas des pages dans l’édition Livre de poche du Catalogue -, n’a pas seulement inventé (étymologiquement « trouvé ») un grand nombre d’objets introuvables et esquissé - en vrac – une première généalogie de ce type d’objets impossibles, essentiellement humoristiques (généalogie qui remonte au moins à Cyrano, Swift ou Lichtenberg, et passe par Allais, Jarry, Pawlowski, Roussel, Duchamp, Breton, Péret, Michaux, Queneau, Prévert, Chaval…), il a aussi inventé la catégorie « objets introuvables », et préalablement l’adjectif « introuvable » pour qualifier ses trouvailles.
Nous devrions lui être reconnaissant pour cette invention-la aussi, dans laquelle des non-objets peuvent également se reconnaître … (« introuvable » désigne peut-être la qualité humoristique essentielle, et définir l’indéfinissable humour comme sens de l’introuvable ne serait pas la pire des suggestions – ceux qui se lamentent avec Alain Finkielkraut sur la dictature de « l’humour roi » trouveraient certainement des raisons de se réjouir s’ils cessaient de confondre humour et dérision, et dans cette perspective ils pourraient se trouver bien de se demander pourquoi le mot « introuvable » est si bien trouvé.