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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 10:29

Les Routes Creusoises

Contrairement à ce qu'un vain peuple croit, Guéret n'est pas sur la Creuse. Inutile de me faire la gueule, je sais que c'est pas très régulier, mais j'ai pas inventé les départements français, ni les chefs-lieux qui vont avec.

Je signale d'ailleurs aux amateurs d'autres particularités géographiques qu'ils ne connaissent peut-être pas, ça pourra leur servir si le Jeu des Mille Francs vient à planter son chapiteau sur la place principale de leur bourgade.

Ainsi, le Var ne coule absolument jamais, à aucun moment, dans le département du Var. J'ignore pourquoi le Var s'appelle pas la Seine par exemple, et pourquoi le Pas de Calais s'appelle pas la Loire. Les glorieux habitants de ce département assez mal fichu, tout étiré en longueur, presque bancal, eussent mérité, autant que d'autres, qu'on leur attribuât un fleuve digne de ce nom!...

Si encore, le Var était une exception, on passerait. On se dirait bon, les camarades révolutionnaires en ont tant découpé des départements, et puis des têtes aussi, il fallait passer des uns aux autres directement, c'était sûrement la nuit, ils ont pu se planter, c'est humain. C'est pas rien, en effet, de refaire le monde, il y a beaucoup de pièces à changer, et il faut que ça marche à la fin. On va pas en faire une histoire, surtout que le Var, je voudrais pas m'éloigner du sujet, mais c'est un fleuve si on veut. Un fleuve côtier, disait, méprisant, mon instituteur. Et il s'y connaissait, en fleuves côtiers.  Autant dire, pour conclure, que le Var c'est pas grand chose.

Je voudrais pas m'appesantir à propos de tout et de rien, mais quand même, pédagogiquement parlant, ça m'emmerde un peu de pas ajouter deux autres remarques. Après ce sera fini.

La première, et vous le savez peut-être pas, c'est que dans la Drôme, département habité par des français honnêtes, pourtant, il y a un petit morceau du Vaucluse !

Je trouve assez salaud de la part des gars de la Drôme d'avoir ainsi chouravé tout un canton, qui ne leur appartient pas, et de l'avoir tiré dans leur département, au mépris des règles élémentaires de la politesse et des circonscriptions administratives. Je sais pas qui a fait le coup, mais c'est vérifiable.

 Il y a malheureusement encore pire.

 Dans les Pyrénées Orientales, qui sont pourtant à nous, stationne une tribu d'Espingouins, je vois pas d'autre mot pour qualifier cette peuplade sans-gêne, qui s'est installée carrément à l'intérieur de nos terres. Il serait peut-être temps de renvoyer ces peigne-cul au-delà de leurs montagnes. On n'a pas marné toute notre vie pour que des excités de la castagnette viennent nous les briser avec leurs petits culs, leurs talonnettes et leurs histoires de toréadors. Surtout que, à en juger par l'aridité de leur minable pays, leur cul n'est pas en or!

 Bon, encore un mot et j'en aurai fini, de l'instruction. On pourra passer à la rigolade. C'est à propos du "vain peuple", que j'évoquais plus haut. Je sais pas pourquoi on dit ça. Mais vous savez, il y a beaucoup d'autres écrivains qui écrivent des mots, comme ça, parce qu'ils les ont entendus, ça leur a plu, allez hop! Après tout c'est pas interdit, ce qu'il faut c'est seulement s'assurer de l'orthographe. Ecrire un "vingt peuple", par exemple, c'est une faute, les gens comprendraient pas.

 A force de causer, voyez, on finit par arriver, en dépit de l'étroitesse des voies de communication. A vrai dire j'ai fait 9 kilomètres en 32 minutes. A cause des travaux sur la chaussée. J'ai rencontré deux brigades de l'Equipement, qui s'appelle encore, ici, les Ponts et Chaussées, soit vingt quatre gars, ils avaient qu'une seule fourche à cailloux ! C'est malheureux de pas fournir le matos aux travailleurs qui en veulent ! Surtout qu'ils avaient qu'un trou à boucher, tout était paré impeccable, le camion avec la benne, les deux CES avec les panneaux rouge et vert, les deux autres CES avec les talkies-walkies, tous bien encadrés par les vrais titulaires de l'Equipement, fins prêts!

 Seulement voilà, il aurait fallu leur donner les moyens, à ces types.

 Après j'ai été coincé par le tombereau qui ramasse les poubelles.

Les boeufs faut voir, dans les côtes, ça y va, mais en force. Pas en vitesse. Après j'ai eu le facteur, qui changeait la roue de sa 4L. Sans enlever sa grosse sacoche par devant, avec le litre qui dépasse ! Quelle conscience professionnelle!

 Et puis deux instituteurs fous échappés de la maison de repos de Sainte Feyre. Des furieux, qui brandissaient des jeux éducatifs Fernand Nathan. Victimes du devoir.

- Je suis normal, je suis normal!...je veux pas retourner à la maison de la MGEN... c'est les autres qui sont fous, c'est une erreur judiciaire, on est normaux...

Ce qui enlevait du crédit à leur propos, c'est d'abord leur tee-shirt Camif taillé dans un vieux sac à patates et le mot Camif orthographié Camife avec un "e", et le triangle de la Maïf qu'ils s'étaient fabriqué avec les moyens du bord : un sabot en châtaignier monté sur roulettes, qu'ils tiraient au bout d'une ficelle de faucheuse. Sinon, même avec le « IUFM » sur leur casquette en paille de seigle, ils étaient présentables.

Peut-être ils auraient pas du hurler aussi fort?

- pas la M'GEN!... la M'GEN me gêne...

Ca l'a réveillé, Eugène. Il s'est mis à gueuler aussi ! Ah il s'en passe des choses dans ces bocages.

 On est quand même arrivés devant l'établissement de mon pote. Arnesse nous attendait, bucoliquement, à l'orée du chemin creux qui mène à l'Eternel Repos.

Une remarquable réussite écologique il faut dire. Une architecture morticole du tonnerre de Dieu. A l'entrée, une exposition permanente de chrysanthèmes. Et puis des sortes de dazibaos, des poèmes, courts mais significatifs, gravés sur les troncs des arbres:

 

 Mon beau Sapin

Ma belle sapine

Je gagne mon pain

Avec ma pine

 

 Les mille et un regrets

D'avoir pas cotisé

A la MRIFEN

La faridondaine

 

 Le col du fémur

A frappé le mur,

A c't'heure il est mûr

Il est mûr le fémur

 

 la cataracte du Niagara

Fait les yeux rouges comme des yeux de rat

 

 Au Parc Inson

Quand l'heure sonne

On saussissonne

 etc...etc...

Et caetera...

 

Et puis le bâtiment se dresse brutalement au détour d'un sentier.

 Il se dresse, je veux dire qu'il est droit. Il n'effectue aucun mouvement. Brutalement, c'est pareil, c'est une impression. Il n'y a aucune brutalité réelle, il bouge pas d'ailleurs le bâtiment. Manquerait plus que ça!

 Mais ce qui fait une forte impression, c'est cette masse considérable de béton. Arnesse s'est inspiré, avec raison certes, de l'architecture de la Maison Centrale de Saint Maur. Il a simplement rajouté des fils de fer barbelés en haut des murs. Pas pour les évasions:

- C'est une question esthétique avant tout... j'avais le choix entre deux thèmes éminemment ruraux, qui symbolisent bien l'instinct de propriété... le barbelé, dont le plouc entoure généralement ses propriétés agrestes, et le tesson de bouteilles, qui équipe les murs de sa maison... deux logos intéressants qui manifestent clairement l'amour de la terre... mais le tesson de bouteille, finalement, n'a pas la typicité du barbelé... on en trouve dans les banlieues, dans les zones pavillonnaires anciennes... chez des petits propriétaires de merde, qui disposent de trois cents mètres carrés...

- N'insulte pas la France périphérique, qui vit extra muros, mais de justesse... pense aux ploucs de Puteaux, qui sont maintenant les glorieux habitants de la Défense !...

 Arnesse réfléchit. Je sens que l'argument a porté. Il ne confond plus les résidents de Saint Cloud avec les braves électeurs de Crouillat -en -Combrailles. Il saisit la nuance.

 Mais continuons la description.

Dans le mur a été percée une porte. Notez bien que j'emploie là une expression classique, complètement stupide. Il n'existe aucun exemple d'architecte sain d'esprit qui fasse d'abord édifier des murs et percer ensuite des portes ou des fenêtres. Les ouvertures sont évidemment faites avant,  pour qu'on puisse sortir du bâtiment. Sans l'ouverture on resterait à l'intérieur, et alors à quoi ça servirait d'avoir réalisé un superbe blockhaus comme l'Eternel Repos, si c'est simplement pour le regarder de l'intérieur et si on peut pas le décrire dans des romans à la mords moi le noeud?

A rien, vous avez raison. Et la porte, comment je sais que c'est une porte d'entrée? parce que je me suis renseigné, auprès d’Arnesse. Il faut pas toujours rester les bras pendants comme un niais pendant que je m'échine à décrire. Il faut prendre des initiatives, que diable!

- Dis donc la porte... que j'ai fait à Arnesse.

- T'as raison, c'est la porte, qu'il m'a répondu...

Et il a ajouté:

- ...d'entrée.

(non, il ne m'a pas répondu d'entrée, il a voulu dire que c'était la "porte d'entrée". Vous voyez, ce trop bref passage était destiné à vous faire toucher du doigt la difficulté d'écrire. Beaucoup d'entre vous, beaucoup trop, à mon avis, se disent: tiens je vais écrire un bouquin, ça va drôlement faire chier mon cousin Léopold qui se croit si malin avec ses voyages aux Philippines et sa Mercédès 290, et ça va en foutre plein les mirettes à ma belle soeur qu'a des si gros nichons. Elle sera à genoux devant moi, la salope, pâmée, comme au Moyen Age devant le troubadour... Alors je vous dis rêvez pas trop. Souvent, ça les vexe qu'on écrive des livres, mais pas tant que ça. Ca donne pas tellement de satisfactions, finalement. On voit son nom sur la couverture ? C'est pas très bon signe, ça veut dire qu'il est pas vendu, le bouquin. Comptez pas trop sur le blé non plus. C'est des entreprises qui coûtent des fois plus qu'elles rapportent. En tout cas, rêvez pas sur la villa avec piscine, les esclaves avec les palmes, les palétuviers, les gonzesses. Elles sont pas folles, les gonzesses, les vieux bigleux qui ont pondu un bouquin, elles s'en tapent complètement maintenant. C'est le show biz qui marche. Là, d'accord, elles vous suivent au flair, vous pistent jusque dans la Creuse, justement ! Voyez Johnny!...  et hop nous revoilà dans le sujet, j'y reviendrai sur les gonzesses et les disques d'or, mais en attendant, notez l'habileté. Ce retour au fil de l'histoire après la digression qui repose l'esprit, vous savez, je vous conseille pas d'écrire, c'est le résultat d'un très sévère entraînement, ma technique. Une ascèse. Si !)

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