Joyeux habitants du Limousin, de la Charente, de la Dordogne, de l’Indre, et de la longue Marche, qui s’étend de Bourganeuf à Saint Benoît du Sault, je vous salue !
Ce début d’article est inhabituel, en principe, je ne vous salue pas, on est tout de suite copains comme cochons ! Je le savais que ça me donnerait une idée ! Et voilà, c’est arrivé, mais c’est le fruit d’un très long entraînement ! N’est pas écrivain qui veut, du jour au lendemain. Il faut d’abord se révéler : être un bon à rien d’autre ! Dans cette société si juste, si logique, où les pauvres n’ont pas d’argent, où les milliardaires en sont largement pourvus, où les sans abris couchent dehors, un bon à rien, un vrai bon à rien pure race, comme moi, eh bien c’est quand même bon à quelque chose. Il suffit de lui donner un crayon et une feuille de papier, et alors le bon à rien, au bout d’un certain temps, se met à écrire. Si on l’enferme à double tour, si on lui confisque la télé, alors il n’est pas distrait par Tania Young, qui fait la pluie et le beau temps, surtout le beau temps. Il ne regarde pas la carte sur laquelle s’affichent des prévisions d’ailleurs fausses, il ne voit que Tania Young. Car le bon à rien est sensible au charme féminin, et voyez comme il est habile, le bon à rien, il la dessine, la carte de France, vous connaissez tous cette expression. Sinon vous me demandez, pour le numéro du 18 décembre 09. Tiens, c’est bizarre, je viens de trouver le sujet de mon article : « copains comme cochons ». C’est une étrange expression. (Voir plus haut…)
J’ai cherché partout partout partout, (je peux continuer avec les « partout », mais ça va faire « remplissage ») mais rien de sérieux ne m’a convaincu ! Je sais bien qu’on disait « coçon », autrefois et, peut-être jusqu’au 18ème siècle, ce qui ne nous rajeunit pas ! Et que les cochonneries n’avaient rien à voir là-dedans !
Il paraît que ça signifiait « camarade ». Mais Alain Rey demeurant muet sur ce chapitre, je ne dois l’étymologie qu’à mes recherches personnelles et à mon imaginaire à partir du mot « cochon ». C’est faible ? Je suis d’accord, mais essayez de vous mettre à ma place aussi, il ne suffit pas de critiquer !
Le copain d’abord, le cochon ensuite ! Ouvrez vos esgourdes. Ou plutôt vos mirettes ! Le copain est celui avec qui on partageait le pain. D’ailleurs, le mot est orthographié « compain » et il vient du latin populaire « companio ». Or, dans mon enfance, j’ai vu beaucoup de cochons et jamais je n’ai assisté à cette scène entre deux de ces animaux domestiques : deux cochons partageant équitablement leur morceau de pain, avec un couteau. Je rappelle au passage que si le cochon est châtré, il s’appelle alors un porc. S’il ne l’est pas, on dit qu’il est entier, on le désigne par le mot verrat ! Je trouve qu’on devrait faire la même distinction pour les hommes, ça éviterait des pertes de temps.
Inutile de vous lancer dans des conclusions abusives : la chanson « Monte là-dessus et tu verras Montmartre/Monte là-dessus et tu verras mon cul » n’a pas de rapport avec le « verrat », et ce détail orthographique montre bien la bêtise du soi-disant ministre, un nommé Luc Chatel, qui estime qu’une copie de baccalauréat peut comporter normalement vingt fautes, approuvé en cela par le sénile François de Closets. A ce propos, Siné, dans Siné Hebdo, faisait observer que François de Closets écrira toujours des conneries, mais que c’est tout de même mieux sans les fautes d’orthographe.
Donc, et voyez comme les sujets s’enchaînent : l’esgourde vient du breton « skouarn », qui a le même sens. Quant aux mirettes, il s’agit d’un diminutif formé à partir de « miroir ». Il a acquis ses lettres de noblesse grâce à Baudelaire, qui écrit, dans « Le spleen de Paris » : « Ces subtiles et terribles mirettes. »
Je vois que vous ne lisez pas suffisamment les poètes, sinon vous penseriez immédiatement à Guillaume Apollinaire et au Pont Mirabeau, et je vais vous en apprendre une bien bonne. Le poète n’avait aucune admiration spéciale pour Mirabeau, mais le mot lui-même évoquait le « pont » où « l’on se mira beau », quand on était jeune et beau. Et alors, quand Guillaume évoque la Seine, le fleuve est un miroir, le miroir du passé, et des amours qui passent, et je vous laisse chercher vous-même, c’est très profond, la poésie, allez je rajoute une petite remarque, je cite d’abord : « …sous le pont de nos bras passe/Des éternels regards l’onde si lasse ». Apollinaire était un immense bon à rien, vous le voyez, il associe l’image du pont à l’enlacement des amoureux, tellement plus fragile, tellement fugace, qu’on ne peut pas la retenir, elle est comme l’eau qui passe, on n’y peut rien.
Mais je ne voulais pas vous décourager, surtout que les « fêtes » arrivent et c’est bien dommage de les remplacer par le mot « teuf ». La fête avait un caractère sacré, on transgressait les interdits, la nuit surtout, la nuit tous les chats sont gris, les chattes aussi d’ailleurs, vous voyez, il n’y a rien à faire le démon m’habite, et ça pourrait recommencer ! Après on allait à confesse, encore un mot sournois. Que va en penser le petit Jésus ? Alain Rey nous assure qu’en langage populaire c’est un « homosexuel passif », formule élégante pour désigner un enculé. Pour ma part j’ai toujours entendu dire que le « petit Jésus », c’était le meilleur morceau de l’être humain masculin. Mais Léo Ferré évoque « une touffe de noirs Jésus », dans « C’est extra », et là il s’agit bien de la même chose au féminin.
Eh bien je vais finir triste et révolté. Je pense à tous ces sacrés cochons qui nous gouvernent, dans le cadre de la mondialisation du malheur et ça me donne envie de tuer le cochon, de tuer tous les cochons du monde. Ces cochons-là ne sont pas mes copains.