Avec ou sans marinière, Arnaud Montebourg n’aura nul besoin de poser pour le photographe aux commandes d’un sous-marin nucléaire made in France afin d’en booster les ventes. Car si le textile connaît dans notre pays des soucis à l’exportation, il est un domaine, en revanche, où tout semble aller pour le mieux : l’armement. Cela va même si bien qu’on se demande pourquoi, dans ce climat économique et social morose, les réussites exemplaires de ce secteur ne sont pas davantage mises en valeur.
Côté officiel, par exemple, on eût apprécié que le président de la République en fasse état lors de sa récente conférence de presse, afin de revigorer le moral déclinant du travailleur français. Côté médias et ses gros tambours, parmi le fatras d’informations qui nous égratignent, où chômage et délocalisations s’en donnent à cœur joie, on reste étonnamment discret sur le sujet. L’équilibre de notre balance commerciale, qui seul importe, ne saurait pourtant s’encombrer de scrupules bêtement moraux sur les dommages collatéraux ou non de ce petit commerce mortifère, certes, mais ô combien juteux et pourvoyeur d’emplois.
C’est ainsi que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s’est rendu début novembre au Brésil pour parler affaires et engins de guerre. Le Brésil est un pays dirigé, comme le nôtre, par des gens de gauche, issus du Parti des travailleurs. Soucieux et conscients, avec un nom pareil, des urgents besoins de l’ouvrier de Rio, de Bahia et de Brasilia, le gouvernement de là-bas a donc sagement prévu un plan d’équipement militaire de 230 milliards d’euros pour les dix ans à venir. C’est dire si les travailleurs vont être défendus !
Il eût été regrettable, avouons-le, qu’une partie de ce bon argent n’entre pas dans les caisses de l’Etat français, quatrième vendeur d’armes dans le monde, au savoir-faire incontesté. Vous connaissez le sinistre refrain : si nous ne faisons pas ces saloperies, d’autres les feront à notre place. La bonne nouvelle est donc tombée : un contrat de 6,7 milliards d’euros vient d’être conclu, portant sur la construction et la livraison à l’armée brésilienne de cinq sous-marins, dont un nucléaire. Et puisqu’il semble que le commerce international sera le genre humain, 4,5 petits milliards supplémentaires viendront peut-être grossir le magot si le Brésil, qui réfléchit, décide de se doter, en matière d’avions de combat, de notre célèbre Rafale. On ne comprendrait d’ailleurs pas que l’Etat brésilien, si demain ses pilotes devaient bombarder des populations civiles pour leur bien, préfère acheter les engins odieux de l’impérialisme plutôt que nos avions de gauche.
C’est bientôt Noël et ses discours dégoulinant de charité. Il en ira de même, sans doute, au Brésil où les pontes du Parti des travailleurs, à notre connaissance, n’ont pas prévu de plan d’éradication de la misère de 230 milliards d’euros. Existe-t-il une version, dans la langue de là-bas, de la chanson de Sarclo ? « Quand on verra les militaires/Qui font la manche pour les canons/Avec des trous dans la visière/Et dans les pantalons/On fera la guerre à l'hiver/Sans venir piquer mon pognon/J’irai chanter pour l'abbé Pierre/À la télévision. »