En novembre 2024, le Parlement britannique a approuvé une loi, portée par le gouvernement travailliste de Keir Starmer, pour ramener les opérateurs ferroviaires privés dans le giron public. Cette réforme, obtenue sous une très forte pression populaire, vise à regrouper les opérateurs sous une entité publique nommée Great British Railways à l’expiration de leurs contrats (d’ici 2027) ou plus tôt en cas de mauvaise gestion. Le réseau ferré est déjà géré par Network Rail, une entité publique depuis 2002, et plusieurs opérateurs (quatre sur quatorze en Angleterre, ainsi que ceux en Écosse et au Pays de Galles) sont revenus sous contrôle public. C’est le mouvement exactement opposé à celui qui se déroule actuellement en France sous les ordres de l’Union Européenne.
En France, à l’issue du quatrième paquet ferroviaire de directive européenne, la privatisation est en réalité déjà largement réalisée. Le réseau a été séparé sous la gestion de Réseau Ferré de France (RFF), les gares privatisées dans l’entité Gare et Connexion, les lignes régionales sont vendues à la découpe par les régions (en particulier par les exécutifs PS EELV) : En Aquitaine, appliquant les directives de l’UE, l’exécutif PS PCF lance la privatisation des trains TER par mise en concurrence en 2027) et les opérateurs privés s’installent sur les grandes lignes.
L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, effective depuis décembre 2020 pour les grandes lignes et progressive pour les TER et Intercités, imposée par l’Union européenne, a installé d’une part plusieurs compagnies privées. D’autre part, elle a fait passer la SNCF, d’un établissement public exclusivement de service public, en une entité commerciale. Certes ses capitaux ne sont pas encore privés, mais la logique est en place et dans l’attente de l’occasion – comme pour GDF puis EDF – de parachever la privatisation. Pour se faire, le statut des cheminots a été mis en voie d’extinction.
Actuellement, quatre opérateurs privés ou publics non-SNCF exploitent ou ont des projets confirmés pour des services de transport de voyageurs sur le réseau ferré national français. Ces opérateurs sont principalement actifs sur les lignes grandes lignes (en mode « open access ») ou sur des lignes régionales via des appels d’offres.
- Trenitalia France (filiale de Trenitalia, opérateur national italien)
- Renfe (opérateur national espagnol)
- Transdev (opérateur privé français, filiale de la Caisse des Dépôts)
- Le Train (opérateur privé)
- RATP et Keolis : Ces opérateurs, bien que liés à des entités publiques (RATP est publique, Keolis est détenu à 70 % par SNCF Participations), ont remporté des contrats pour des lignes de tram-train en Île-de-France (ex. : ligne T12 attribuée à Keolis/SNCF Voyageurs).
De fait, si l’installation de la privatisation avance de façon masquée encore en France, elle est freinée pour le moment par le manque de matériels roulants (trains). Le retrait précipité par la SNCF d’une part importante du parc de ses TGV qui auraient du être exploités encore plus d’une décennie peut de ce point de vue être compris comme une manière de faire une place pour installer ses opérateurs privés. Par ailleurs, Transdev s’est vu prêter des trains… par la SNCF pour lancer son exploitation privée de la ligne Marseille-Toulon-Nice. L’opérateur avait promis des rames flambant neuves dans son appel d’offre, mais il n’en dispose pas. Sur les 16 rames prévues, seules 8 seront disponibles au lancement de l’exploitation le 29 juin 2025. Pour pallier ce manque, Transdev louera 12 rames à d’autres régions françaises, via la SNCF qui exploite ces trains. Une illustration aussi absurde que scandaleuse de cette mise en place contrainte et forcée de la « concurrence ».