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1 novembre 2025 6 01 /11 /novembre /2025 10:17

Ce 23 octobre, chez Christie’s Paris, un monochrome d'Yves Klein a atteint les 18,375 millions d’euros. Le tableau est du beau bleu propre à l’artiste, le fameux pigment « IKB » (International Klein Blue). Mais cela vaut-il cette somme ?

Bien des tableaux intéressants étaient mis en vente le même jour : des Nicolas de Staël, un Vlaminck (ils ont atteint entre 400.000 et 500.000 euros), des Renoir, un Morisot (Julie Manet à la perruche, qui a dépassé le million)… De tels prix font pâle figure par rapport aux presque 18,4 millions qu’a atteints ce monochrome, California (1961). L'énorme toile a-t-elle été vendue au mètre ?

Yves Klein (1928-1962) a connu la conjonction de l’apogée de l’art abstrait et de l’émergence de l’art conceptuel. Premier concept qu’il applique : le filon du monochrome. Mais dans un monde concurrentiel, il est impératif de se spécialiser pour se démarquer. D’autant qu’il y avait déjà eu le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch (1918)… Ce sera donc le bleu, concept dans le concept. Que fera d’autre Soulages, en choisissant le noir, en 1979 ?

Qu’un peintre aime la belle teinte, on ne peut que l’en féliciter. La beauté a été tellement conspuée, au XXe siècle ! Alors, mieux vaut le profond bleu IKB qu’un bleu louche ou qu’un bleu sale. Mais l’idée du monochrome total, elle, remonte à notre loustic national Alphonse Allais. Son imagination était telle qu’il a tourné en dérision, par avance, beaucoup de nos snobismes. Dans son Album Primo-Avrilesque (1897), il inventa le principe du monochrome décliné en sept tons. Dont les trois mentionnés pour Malevitch, Soulages et Klein : le blanc (Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige), le noir (Combat de nègres dans une cave, pendant la nuit), le bleu (Stupeur de jeunes recrues apercevant pour la première fois ton azur, ô Méditerranée !).

On a, depuis, relié l’humour d’Allais au dadaïsme, au surréalisme, en raison de son côté absurde. Mais Allais n’a pas inventé l’absurde, qui existe depuis que l’humour est né. Il a élevé la blague potache, assaisonnée de l’esprit du boulevard et des rapins montmartrois à la hauteur d’un art - un art de la dérision. Voir ses idées reprises très sérieusement par des artistes du XXe siècle, ne manque pas de sel.

Si le talent se mesure à l’aune du succès, force est de dire que Klein est talentueux. Pensez, 18,4 millions ! Combien le collectionneur qui l’a acquis en 2005 a-t-il fait de bénéfice en revendant la toile chez Christie’s ? On ne le sait pas. Acheté à une galerie, le tableau passe d’une main privée à une autre. La plus-value demeure dans l’ombre.

La somme est propre à épater le bourgeois imbu de modernisme. Mais que les monochromes, qu’ils soient blancs, noirs ou bleus, sont ennuyeux quand on les compare à un tableau de J.-B. Oudry : Le Canard blanc (1753). Il représente «sur un fond blanc tous objets blancs, comme Canard blanc, Serviette damassée, Porcelaine, Crème, Bougie, Chandelier d’argent & Papier ». En la matière, non seulement les modernes n’ont rien inventé, mais ils ont fait moins bien.


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