Quelques mots sur Issoudun, parce qu’il faut parler des « petites » agglomérations (14 000 habitants) et parce que c’est l’occasion de dire, sans parti pris, ce qu’un maire peut faire pour équiper sa ville. Il faut avoir connu Issoudun, avant son maire actuel, André Laignel, socialiste avec pour adjoint un communiste de toujours, Marcel Foulon, pour mesurer le travail accompli, notamment sur le plan de la culture et du sport mais aussi de l’urbanisme et de l’emploi. Je n’en dis pas davantage car ce n’est pas ici le lieu, mais vous pouvez d’ores et déjà, commander le livre que lui a consacré Jean Diharsce, aux éditions de l’Aube, « André Laignel, un Gavroche en politique ». Voir en bas de l'article.
Si j’attaque par cette propagande, ce qui n’est pas mon habitude, c’est en liaison avec l’article précédent sur le populisme et le peuple. On ne devrait jamais oublier que le peuple français vit encore très largement dans des villages, des gros bourgs, des petites villes, et que ce sont les derniers îlots de fraternité. Or, on assiste au massacre de la vie rurale et je parle à la fois des paysages et des hommes. On a trop longtemps considéré les gens des campagnes et les « provinciaux », comme des arriérés, alors qu’ils avaient une culture, un langage et qu’ils entretenaient des relations très subtiles entre eux. Ne vous méprenez pas, ce retour sur le passé ne signifie pas que je veux revenir au « Bon vieux temps ». Mais ce qui faisait la force de cette société tranche tout de même avec l’apathie de la nôtre, la servitude acceptée, le surendettement, la prétendue libération sexuelle dans la mollesse, et toutes les arnaques qui nous guettent à longueur de journée.
D’abord un lieu commun : la « femme au foyer ». L’expression est toujours péjorative. Mais êtes-vous sûrs que la femme au foyer était aussi soumise qu’on le voit aujourd’hui, en 2011 ? Etes-vous sûrs que la femme au travail aujourd’hui, pour un salaire partiel la plupart du temps, et dans l’incertitude de son emploi, est vraiment plus « émancipée » ? C’est peut-être vrai pour les cadres et les professions libérales. Mais pour les chômeuses en perpétuelle recherche d’emploi, pour les femmes de ménages, pour les « hôtesses de caisse » des supermarchés, pour les employées au SMIC ? Ce qui manquait à la « femme au foyer » au siècle dernier, c’est assurément le salaire ! Je préfère le mot « foyer » au mot « hôtesse ». L’hôtesse reçoit, le foyer réchauffe. On comptait la population par « feux » pour désigner les familles et le mot exprimait un lien chaleureux. Les ouvrières des ateliers de confection étaient probablement plus exploitées que les domestiques des fermes. La question est réglée aujourd’hui : ces ateliers de confection ont fermé et le travail est fait dans les pays asiatiques par des peuples qui sont pratiquement dans la situation des esclaves.
Mais je reviens sur le « foyer ». La femme au foyer était plus chaleureuse, j’oserais dire plus chaude. En tout cas, elle réchauffait le cœur et même un peu plus bas, oui, c’est là, vous avez trouvé tout seul ! En plus, très souvent, elle tenait le livre de comptes.
Et voyez comme le mot « foyer » a changé de sens : il désigne aujourd’hui un lieu d’accueil pour les exclus, une sorte de pension de famille pour ceux qui sont sans famille.
Quant aux amours campagnardes, là encore, on a longtemps raconté que les paysans se comportaient comme des bêtes, qu’ils n’y connaissaient rien, question pratiques amoureuses. Et si on lisait un peu, des vrais auteurs du peuple, les si méprisés populistes dont je vous parle depuis 15 jours? Avez-vous déjà oublié Gabriel Chevalier et « Clochemerle » ? Cette histoire d’urinoir, qui se fait appeler vespasienne, et qui met en scène toute une société où, manifestement, se sont les petits vignerons qui finissent par être les vainqueurs dans une histoire qui peut passer pour anecdotique, alors qu’elle est un tableau de la vie populaire en Beaujolais dans la première moitié du 20ème siècle.
Avons-nous oublié Maupassant et ses histoires normandes, quand il décrit les moissonneuses qui mouillent leur chemise et qui mouillent même simplement, sans la chemise, à tel point qu’elles ne résistent plus aux ardeurs amoureuses ? L’amour les emporte comme malgré elles, et pareil pour les hommes. Il y a, chez Maupassant, derrière un apparent cynisme, une grande humanité pour le peuple.
Dans les villages, au cours des « assemblées », on mélangeait un peu les partenaires et d’ailleurs le nombre d’enfants illégitimes était important. On savait simplement garder la discrétion et la différence avec 2011, c’est que la famille n’était pas dispersée, décomposée, pour autant. Et on n’exhibait pas son intimité sur un plateau de télévision. Et qui peut dire que ce n’était pas mieux ? Les auteurs qui connaissaient vraiment le peuple n’étaient pas des bourgeois névrosés. Ils vivaient dans une bonne humeur rabelaisienne. Zola, par exemple, nous décrit un incendie. L’incendie, c’était à la fois la panique et la fête, les interdits tombaient et donnaient lieu à des scènes amoureuses, illicites, incendiaires justement, attisées par un feu intérieur. Lisez donc « La Terre », ce roman si longtemps interdit dans les universités, pour son « immoralité » ! On y voit, tout naturellement, une fillette de quinze ans aider un taureau à pénétrer une vache, car ce gros maladroit ne trouvait pas de lui-même le lieu stratégique.
Ce n’est pas de l’exhibitionnisme, mais une réalité de la vie rurale.
Et je reviens à Issoudun, parce qu’elle est liée au souvenir d’Honoré de Balzac, et décrite avec une étonnante précision dans le livre « La Rabouilleuse ». Et l’apéritif servi au prestigieux restaurant « La Cognette » est demeuré populaire. Alain Nonnet, le fondateur du lieu l’avait baptisé « Le père Goriot ».
Je ne vous ai guère fait rire, mais je vous répondrais volontiers comme Jules Vallès l’avait fait à Maupassant, qui lui demandait pourquoi il n’écrivait plus guère : « Je m’intéresse au peuple et à la révolution ! »
Mais non je ne change rien, la prochaine fois on attaque dans l’allégresse !