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25 février 2017 6 25 /02 /février /2017 09:56

Vous avez parlé « d’un bain idéologique » dans lequel sont les journalistes. Pouvez-vous expliquer cette notion de « bain idéologique » ?

Dans lequel ils sont et dans lequel ils nous plongent ! Les médias nous rappellent en permanence ce que nous devons penser sur tel ou tel sujet. Ils fixent la ligne officielle de la pensée autorisée. Et le discours médiatique jouit d’une énorme puissance prescriptive, aussi bien sur la forme que sur le fond. Comme je le dis dans mon livre, quand on est prof, on a beaucoup de mal à faire accepter que tel ou tel mot n’existe pas, ou ne s’emploie pas de telle manière, face à des élèves soutenant que « à la télé, ils disent comme ça ». Eh bien, c’est pareil pour les idées portées par ce discours. Nous savons d’instinct ce que nous pouvons dire et ce que nous ne pouvons pas dire, ou pas dire trop fort, ou pas avec n’importe qui. Car nous avons très bien intériorisé la ligne officielle. Il y a un discours spécifique aux médias sur des sujets comme l’immigration, le climat, la condition des femmes, la pédagogie, les mœurs, etc. Et ce discours n’est pas réductible à la doctrine d’un parti. C’est le dogme auquel nous sommes appelés à communier, une espèce de garantie d’unité, même si ce n’est qu’une unité de façade maintenue par la crainte généralisée d’être considéré comme un individu divergent.

 

Justement, vous abordez la question à la fois passionnante et terrifiante de l’inquisition médiatique qui « traque la pensée déviante » qui s’écarte donc du politiquement correct. Comment se caractérise cette inquisition médiatique ?

Il faut rappeler ce qu’est fondamentalement l’inquisiteur, afin d’éviter de le réduire à une figure du passé nécessairement associée à la prévalence sociale de la religion. L’inquisiteur est le garant de la paix civile, dans la mesure où il est le gardien du dogme. Il s’assure que les discours déviants ne prennent pas trop d’ampleur et ne mettent pas en péril la concorde, l’unité de la société qui repose sur une adhésion consentie ou contrainte au dogme officiel. On peut dire qu’il assure la police de la pensée. Et ce n’est pas nécessairement quelqu’un de cruel ! L’inquisiteur n’a pas le pouvoir de condamner à mort, ce n'est même pas lui qui soumet les gens à la question, c’est-à-dire à la torture. Il se charge des questions. De même, quand un journaliste demande « Regrettez-vous d’avoir dit cela ? », quand il traque les « dérapages » et appelle au « rétropédalage », il est dans une posture inquisitoriale. Et comme devant l’inquisiteur, si vous présentez des excuses, si vous vous humiliez, si vous récitez bien votre acte de contrition, vous reprenez une vie normale. Si vous persistez, on vous adjoint définitivement le qualificatif de « sulfureux » et tout ce que vous pourrez dorénavant dire ou faire sera discrédité par principe.

 

Cette inquisition est-elle selon vous l’apanage des grands médias traditionnels ?

Oui, pour la bonne et simple raison qu’il faut disposer d’une autorité reconnue pour prétendre avoir la légitimité de prononcer ce qu’on pourrait appeler des verdicts de fréquentabilité, c’est-à-dire des jugements reposant sur des critères moraux, même si les journalistes ne le reconnaissent pas. On se cachera derrière la défense de « nos valeurs ». Ou derrière de faux étiquetages politiques : telle personne sera dite « d’extrême droite ». On a l’impression que c’est une caractérisation objective ; en réalité, c’est une condamnation morale. On accuse parfois les organisations antiracistes ou des lobbys en tout genre d’être aussi des inquisiteurs mais je ne suis pas d’accord. Ils disposent de la visibilité et de la puissance de frappe que veulent bien leur donner les médias. Ils n’existeraient pas sans eux.

 

Lire l'interview d'Ingrid Riocreux

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