Suite à une lecture trop superficielle de Sigmund Freud, il avait tué son père avec un couteau de cuisine ordinaire. Ce n’est pas tant le couteau, qualifié de « commun », qu’on lui reprochait, mais plutôt une interprétation primaire de la Psychanalyse. Au tribunal, il avait refusé un avocat avec cet argument :
- Ceux ch’tits gâs-là, y coûtont cher du tchilo, la piau du tchu quaïman, et pis y z’ont point lu Freud…c’est pas prévu dans yeux cursuce universitère (les fautes d’orthographe ne se voyaient pas à l’oral, mais l’accent campagnard s’entendait, il partait donc avec un handicap sérieux, il est vrai qu’il était né à Champourri sur le Fion, pour éclairer le lecteur je précise que cette charmante bourgade, oubliée des offices de tourisme, est située dans le département du Rhin, canton de Sucegretcheène la Grossbitécheûne).
Bon, n’alourdissons pas le propos, d’autant que ce « il » s’appelle Adolphe Lagross’pine, ce qui n’est pas très favorable pour obtenir des circonstances atténuantes.
D’autant plus qu’il avait ensuite tué sa mère, toujours sur les conseils de Freud, car une fille se doit également de tuer sa mère, sinon il faut qu’elle la supporte et c’est pas rien, surtout si c’est une grosse pouffiasse pauvre et suralimentée avec les cochonneries que le capitalisme la contraint à ingérer ! Si elle est riche, elle est svelte, c’est à dire ossue, et ses membres, même pas virils, vous cisaillent les bras quand vous la conduisez aux cabinets ! En plus il faut la torcher.
Ou alors vous prenez une bonne portugaise, mais c’est une race en voie de disparition et, souvent, les riches sont réduits à recruter une Zaïroise affamée qui vous bouffe la mamy en moins de trente secondes.
(Sauvage, va ! Pourriez au moins la faire cuire avant ! Question d’éducation !)
Vous revenez, il reste un os pour le chien, qui renifle, qui se souvient de la connerie de sa maîtresse riche et qui chie sur ce résidu de cadavre !
Bon, revenons à l’histoire proprement dite (je dis « proprement », mais c’est plutôt « dégueulassement », que je devrais dire). Pourquoi avait-il tué également sa mère, alors qu’aucun texte des écrits de Sigmund Freud ne prescrit cette pratique de la part d’un enfant mâle ? Eh bien c’est simple, il était fils unique ou presque sa petite sœur étant tellement rachitique qu’on peut difficilement la faire entrer dans la catégorie des vivants ! Personne donc, pour tuer la mère ! Il expliqua assez bien son geste :
- Jé l’sais bin qu’c’était point mon rôle, mais la p’tiote, al’ était trop faib’….alors j’m’avons dévoué.
Jusque là, tout aurait pu être défendable, à la rigueur. Il suffisait à un bon avocat de mettre en valeur le caractère « primaire » à la limite de la débilité, de cet enfant perdu, qui manquait d’affection et d’argent de poche. Il pouvait s’en tirer avec 5 ans de prison.
Seulement il avait aggravé son cas en assassinant ses deux grands parents !
Au tribunal on lui demanda la raison de cet acte difficilement compréhensible dans un pays civilisé. Il eut cette réponse, que je laisse à l’appréciation du lecteur :
- Y coutaint bin trop cher, et pis y servaient d’à rin !…d’à rin du tout dutout, Monsieur le Président.
Le président prit sa tête entre ses mains, réfléchit, se pencha vers ses deux assesseurs, et il dit enfin :
- Vous avez tué un certain nombre de personnes, certes, mais pas plus que nous dans notre métier. Et puis vous avez tué des gens qui n’avaient aucune valeur marchande, alors c’est pas grave !
Le public se leva et applaudit. L’accusé fut gracié immédiatement, d’une part parce qu’il était instruit, et d’autre part parce qu’il était plutôt logique, dans le fond, et finalement assez drôle, du moins pour les lecteurs qui n’ont pas de préjugés.