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14 mars 2020 6 14 /03 /mars /2020 10:26
À propos du documentaire d’ARTE : "Goulag, une histoire soviétique", de P. Rotman, N. Werth et F. Aymé, février 2020 :

Constatons tout d’abord que ce documentaire est financé par un fonds européen (Creative Europe – média de l’Union européenne), au moment même où le Parlement européen, s’alignant sur les gouvernements polonais, baltes et ukrainien, entend interdire toute activité communiste, et ce au nom d’une comparaison scélérate entre nazisme et communisme, laquelle ne peut se faire qu’avec des amalgames ignobles et en occultant les responsabilités du Capital dans l’éclosion du fascisme.

La tonalité du documentaire ne laisse aucun doute sur la profonde syntonie avec la répression anticommuniste en cours, lorsqu’il est dit, par exemple, à propos de Staline en 1945 : “Étrange paradoxe, le dictateur sanguinaire figure au côté des démocraties comme l’artisan de la victoire sur le totalitarisme nazi“. On l’aura compris : il y a pour les auteurs du documentaire d’un côté les totalitarismes (nazi et stalinien), de l’autre les “démocraties”, comme si ces dernières, elles aussi en voie de fascisation (y compris en France malgré le coup d’arrêt très provisoire du Front populaire) n’avaient pas encouragé les nazis, de la « non-intervention » en Espagne (au détriment des Républicains) au « choix de la défaite » de 1940 en passant par Munich et bien d’autres « bonnes manières » à l’égard de Hitler, de Franco et de Mussolini…

Pourtant, ce que montre ce documentaire, ce sont des camps de travail, extrêmement sévères, épouvantables parfois, une exploitation dont nous avons eu de nombreux équivalents dans l’Occident, sur son sol et ses colonies. Mais en aucun cas, il ne s’agit de camps d’extermination comparables à ceux mis en place par les nazis. Anne Applebaum, correspondante de The Economist et auteur d’un livre sur le Goulag qui fait autorité dans les milieux néo-conservateurs états-uniens, dit elle-même, noir sur blanc, que ces camps n’étaient pas destinés à tuer (cf. l’appendice de son ouvrage Gulag: A History).

Selon le documentaire, environ 20 millions de personnes ont connu le Goulag. Anne Applebaum parle, elle, de 18 millions, Nicolas Werth de 15 millions dans son dernier livre, Le Cimetière de l’espérance, alors qu’il est pourtant co-auteur de ce même documentaire. Ces chiffres sont très élevés. Ils sont aussi à mettre en parallèle avec le fait que le Goulag n’a jamais compté plus de 2 561 351 de prisonniers par an (chiffre de 1950), ce qui implique donc que les prisonniers n’étaient pas tous condamnés à de lourdes peines et que beaucoup sortaient du Goulag : ainsi, Nicolas Werth, dans son même ouvrage, rapporte qu’au 1er janvier 1940, on trouve 60,7 % des détenus purgeant des peines de moins de cinq ans.

Surtout, ce documentaire passe sous silence le nombre de décès enregistrés au Goulag. Car aussi terribles que soient ces destins brisés, on n’atteint certainement pas les chiffres de la propagande habituelle de la guerre froide : en effet, 1,6 million de personnes sont décédées au Goulag. Autre fait que cache savamment ce documentaire : la plupart de ces décès (près de 900 000) ont eu lieu pendant la Seconde Guerre mondiale, dans des circonstances évidemment exceptionnelles puisque, à cette époque, l’Union soviétique subit la perte de 27 millions de ses concitoyens : le mot d’ordre d’alors, alors que le pays se battait pour sa survie collective, étant « tout pour le Front, tout pour la victoire ».

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