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4 juillet 2020 6 04 /07 /juillet /2020 10:14

Le bourgeois est, selon Marx (Karl), un individu qui peut vivre de la force de travail des autres, autrement dit de ses rentes, sans avoir à travailler. Bref, c’est tout simple, le bourgeois est un escroc, particulièrement redoutable, puisque son activité est légale. Elle est même le fondement de la république socio-démocrate. Le bourgeois, est « une personne de la classe moyenne et dirigeante, qui ne travaille pas de ses mains, contrairement à l’ouvrier et au paysan ». Ajoutons qu’elle vit du travail des autres, contre qui elle envoie volontiers ses hommes de main, autrement dit sa police, dès que ses exploités rechignent un tant soit peu à obéir aux ordres. « Le petit bourgeois dépend tout entier de l’ordre établi, qu’il aime comme lui-même » écrit Georges Bernanos, écrivain catholique, certes, mais des catholiques comme ça, on en redemande !

Et n’oublions pas que Flaubert, peu soupçonnable d’ouvriérisme, a écrit cette belle phrase : « J’appelle bourgeois quiconque pense bassement ».

Nous voici au coeur du problème. Le bourgeois peut être défini économiquement, ou psychologiquement, selon ses revenus ou son attitude face à l’argent.
A l’origine, le mot vient simplement de « bourg » et désigne la catégorie intermédiaire entre le noble et le vilain. Apparu en 1080, le mot insiste sur les avantages que l’habitant des villes essaie légitimement de grappiller sur les nobles, en obtenant des privilèges liés à la notion de bourg : franchises, exemptions de droits. Le « bourgeois gentilhomme » est ridicule quand il singe la noblesse. Il est plus noble quand il défend, comme Robespierre, le peuple dont il n’est pas issu.

Les artistes et les prolétaires s’attaquent volontiers au bourgeois, et ils visent alors une certaine façon de vivre conventionnelle, avec une morale rigide, surtout pour les femmes, les bourgeois mâles conservant le reste de leur rigidité pour leurs maîtresses. Manière de vivre un peu dépassée aujourd’hui, les fils de bourgeois ayant nettement molli, à tous points de vue.

Notons cependant que beaucoup de mots, plutôt péjoratifs, sont formés sur « bourgeois » : on « s’embourgeoise », on devient  « un petit-bourgeois », on  a des « goûts  bourgeois ». « Tu t’es roulé en boule dans ta sécurité bourgeoise », ose même écrire Saint-Exupéry, qui en était, et qui méprise profondément, non pas tant la classe, mais l’esprit de bourgeoisie.

Il y aurait vraiment beaucoup, beaucoup à dire et à redire, sur ce mot. Boris Vian fut un grand bourgeois, comme Prévert, mais il avait tout oublié des principes mesquins de sa classe et il s’inscrivit à la C.G.T., ce qui lui interdit d’aller jamais aux Etats-Unis d’Amérique, lui qui adorait tant la musique noire des descendants des esclaves !

Et puis, en 2000, mes élèves de lycée technologique me parlent, sur un ton nettement péjoratif, des « bourges » et des « bourgeouilles », cette dernière dénomination en -ouille, paraît placer le suffixe -ouille légèrement au-dessous de la ceinture.

Que vous dire de plus ? Que je n’ai pas été un linguiste très distingué ? Certes, j’avoue, mais le bourgeois m’énerve, à force, tellement il est gras et louis-philippard, pompidolesque à la limite.

Chacun ses goûts, allons je ne vous en veux pas, les bourgeois c’est comme les cochons. Sauf que ça se mange pas, ça vous refilerait plein de maladies. Je sais de quoi je parle, j’ai gardé les cochons, je n’ai jamais réussi à garder les bourgeois.

D’ailleurs, je vous fais un aveu, à la ferme, on n’en élevait pas. Ça se vendait trop mal !

 

Rolland HENAULT dans « Articles volume 4 (2001-1996) » - Editions de l’Impossible

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