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30 octobre 2010 6 30 /10 /octobre /2010 09:11

 

Certains romanciers savent conjuguer succès populaire et style littéraire brillant. Arturo Perez-Reverte fait partie de ceux-là. En marge de ses œuvres au contexte historique très travaillé et à l’érudition à chaque fois exemplaire, l’écrivain espagnol a donné vie à un grand nom de la littérature d’aventure européenne du siècle dernier.

En créant le Capitaine Alatriste, Perez-Reverte a renoué avec le style d’Alexandre Dumas, maître du roman-feuilleton. Mais, loin de copier l’illustre auteur français, il a su développer tout un univers à travers six romans, publiés de 1996 à 2008. Ce n’est qu’en 2006 que le cinéma s’est décidé à donner vie à Alatriste et ses compagnons. Certes, le film nécessitait des moyens conséquents (reconstitution historique, nombreux décors, costumes sophistiqués représentant toutes les classes sociales), mais ce que l’on peut déplorer, c’est la sortie sabotée du long-métrage en France. Il n’est arrivé qu’en 2008 en salles, et encore, très peu de copies ont circulé. C’est donc dans une belle édition DVD (sortie seulement en 2009 !) que le film a pu être correctement découvert chez nous.

Pour commencer, il faut préciser que « Alatriste » adapte d’une traite la majorité des romans de la saga. Ce qui, au final, donne un film foisonnant. Peut-être trop, d’ailleurs. Pour le spectateur n’ayant pas eu le plaisir de lire les livres, le long-métrage d’Agustin Diaz Yanes peut paraître difficile à suivre dans certaines de ses transitions. Ainsi, nous assistons aux aventures des personnages, Alatriste et son jeune compagnon Inigo de Balboa (le narrateur des romans), au fil des décennies, s’étalant des années 1620 à 1640.

La caractéristique principale qui démarque Diego Alatriste d’un héros traditionnel de Cape et d’épée, c’est le côté humain et vulnérable. Il aurait pu être un héros sans peur et sans reproche, infaillible, parfait. Mais non. Il arrive bien des mésaventures au personnage incarné par un Viggo Mortensen impeccable. Il subit vraiment les coups, qu’ils soient physiques ou moraux. Un peu plus bavard dans le film que dans les romans, Alatriste fait part de quelques-uns de ses sentiments dans certaines scènes, et l’amour impossible qu’il vit avec une comédienne le rend particulièrement touchant. Il perdra presque la vie pour cela. De même, son attachement au fils d’un ami disparu, dont il a accepté de s’occuper (Inigo de Balboa, donc), le mènera à de nombreuses situations audacieuses, voire dangereuses.

Alatriste, bien que fine lame, montre également ses faiblesses dans le domaine du combat à l’épée. Il finira perdant dans son dernier duel contre son ennemi juré, le ténébreux Gualterio Malatesta. Ce sera Inigo qui vengera le Capitaine, dans un combat aussi bref que brillant.

Homme de principe, Alatriste, même s’il est conscient de faire des choix risqués, voire mauvais, va jusqu’au bout de ses idées. Cela en fait un personnage passionnant à plus d’un titre : personnalité complexe, obscure par bien des aspects (on a comparé la création de Perez-Reverte à celle, tout aussi fascinante, de Sir Arthur Conan Doyle, le fameux Sherlock Holmes), il traverse l’Histoire de l’Espagne comme un fantôme. Car, si le Capitaine est né de l’imagination d’un écrivain, les événements historiques narrés dans les livres, ainsi que dans le film, sont tout ce qu’il y a d’authentiques. Et lorsque la fiction rejoint la réalité, on savoure ce moment, hélas juste effleuré dans le film, où l’on aperçoit le tableau de Vélasquez, « La Reddition de Breda ». Dans le troisième roman de la série, on apprend qu’Alatriste serait présent sur le tableau, et l’auteur de créer une controverse dans son ouvrage au sujet de la véracité de ce fait incroyable !

Finalement, le principal tort du film est d’avoir voulu traiter trop de choses en un peu plus de deux heures. Ainsi, on ne rentre que rarement dans le vif du sujet, les événements se succèdent rapidement, et les transitions n’aident pas, car elles sont fréquemment brutales, tant d’un point de vue visuel que narratif. Mais le casting parfait du film, de même que la photo (certains plans s’apparentent vraiment à des tableaux de maître), le tout accompagné d’une belle musique (la séquence finale est à ce titre une merveille), voilà autant d’éléments qui font de « Alatriste » un bien joli spectacle. On peut regretter que le cinéma, qui a pourtant vite fait de créer des sagas à tout va, ne se soit pas mieux emparé des romans de Perez-Reverte. Car selon toute vraisemblance, il n’y aura pas d’autres films adaptant les aventures du Capitaine. C’est bien dommage.

On peut se rabattre sur les romans de l’écrivain, tous aussi réussis les uns que les autres, en souhaitant qu’un septième volume arrive prochainement dans les librairies…

 

N.B. : Cet article est paru initialement dans le dernier fanzine de l’association de cinéma castelroussine TRAVELLING.

 

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commentaires

O
<br /> "On peut se rabattre sur les romans de l'écrivain..." termine David Verdier, l'auteur de ce bon article. Je me permets de faire cette remarque : pour ma part, j'ai souvent été déçue par certains<br /> romans portés à l'écran : Le grand Meaulnes, Madame Bovary ou Le Nom de la rose, pour n'en citer que trois. C'est donc sans nul regret des salles de ciné que je vais me mettre à la lecture d'Arturo<br /> Perez-Reverte que je ne connais pas. Avec d'autant plus d'impatience que j'aime les écrivains d'Amérique latine et toujours autant Alexandre Dumas. OLE<br /> <br /> <br />
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