Depuis déjà pas mal d’années, on construit beaucoup de murs, un peu partout dans le monde. Et, à la télévision on voit les murs les plus célèbres : le mur de Berlin, aujourd’hui caduc, les murs du Moyen Orient, qui prolifèrent. Alors on est en droit de poser la question : à quoi servent-ils exactement ?

A résoudre les problèmes qui se posent un peu partout sur cette planète bancale. A résoudre ? C’est vous qui l’avez dit ! A cacher les problèmes ou les gens qui ne font pas bon effet dans le paysages et qu’on estime dangereux. Le mur devient la solution à tous les problèmes. En plus, on s’habitue, on ne le voit même plus.

Je prends un exemple au hasard : combien de Parisiens savent ce qui se passe derrière les murs de la Santé ? Pas de la santé dont on nous rebat les oreilles, et que, paraît-il, on entretient parce qu’on est en République, non ! de la Santé avec une majuscule, qui est donc une prison, la seule à l’intérieur de Paris intra muros.

 Mais on a tellement construit de prisons de toutes sortes, les Maisons de retraite, les Lycées (les élèves se sauvaient, on a installé des grillages, et la vidéo surveillance) et même les rares entreprises qui demeurent en place, en France. On entoure de solides grillages les banlieues dites « défavorisées », ce qui évite de se poser une question : qui les a défavorisées ?

Alors on installe, entre les pauvres désoeuvrés et les braves pauvres qui ont encore un travail, un grillage suffisamment haut.

Ainsi tout va bien : les vieux encore susceptibles de se traîner dans les rues ne sont pas trop dangereux. Ils gênent bien un peu la circulation, il suffit de les voir se hâter sur l’autre rive quand on les laisse passer sur un passage clouté. (Sans clous d’ailleurs). Parfois ils stationnent trop longuement aux files des supermarchés. On n’a pas encore le droit de les étouffer.

 Pour les pauvres, détenus dans les prisons, on les voit surtout à la télévision, dans les séries américaines, qui donnent bien l’impression qu’il y a une humanité foncièrement mauvaise. C’est pas de chance ! Et de l’autre côté des murs une humanité foncièrement bonne parce qu’elle a du mérite. La preuve : ce sont des milliardaires.

 Hélas un problème va bientôt se poser, et il est grave : à force de construire des prisons, des palaces, des stades, qui sont les prisons du grand air, des concentrations d’enseignes des grandes multinationales qui encerclent les villes, des autoroutes partout, d’où l’on ne sort que sous l’œil suspicieux de la police, la monde va devenir un immense camp de concentration, pour une humanité qui sera concentrée au maximum !

 Les policiers seront installés tous les cent mètres, certains grimpés dans les arbres, avec des jumelles pour observer les véhicules automobiles et même, avec les progrès technologiques, voir exactement ce qu’ils font à l’intérieur.

 Ce jour-là, peut-être plus proche que vous ne croyez, toute l’humanité sera enfin incarcérée et l’ordre régnera, dans les champs, dans les forêts, dans les rues. Certains humanoïdes seront programmés dès la conception pour écrabouiller les autres, ils iront donc en détention.

 Bien entendu tout le monde sera instruit avec la méthode des grillages à sangliers, électrifiés si possible. On n’aura plus le droit de fumer, de boire, de baiser, de s’enculer, mais des petites étoiles, jaunes ou rouges, comme la Légion d’Honneur, agrémenteront ces esclaves d’un nouveau genre. Bref, on pourra abattre les murs, puisqu’on ne distinguera plus la façon de vivre à l’intérieur et hors les murs. Ce sera le bon temps, mais vous l’aurez bien cherché.

Vous savez, je ne suis pas sûr que l’humanité vaille aussi cher qu’on le dit. D’ailleurs, depuis les origines, les hommes partout s’enferment, se torturent, et s’entretuent avec beaucoup de plaisir ! Pourquoi changer cet état de choses qui leur convient si bien ?