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25 avril 2015 6 25 /04 /avril /2015 08:55

On peut ironiser sur la façon dont le Premier ministre se présente en donneur de leçons, mais on aurait tort de ne pas prendre au sérieux sa référence à la « morale ». Je sais bien que nombre d’esprits chagrins se plaignent aujourd’hui qu’il n’y ait « plus de morale ». Ils se trompent. On y est au contraire plus que jamais plongés ! Mais ce n’est pas la même.

L’ancienne morale prescrivait des règles individuelles de comportement : la société était censée se porter mieux si les individus qui la composaient agissaient bien. La nouvelle morale veut moraliser la société elle-même. L’ancienne morale disait aux gens ce qu’ils devaient faire, la nouvelle morale décrit ce que la société doit devenir. Ce ne sont plus tant les individus qui doivent bien se conduire que la société qui doit être rendue plus « juste ». L’exigence morale, en d’autres termes, a été transférée sur le monde en général. Plus que des acteurs moraux, on veut des situations « morales », c’est-à-dire des situations conformes aux canons sociaux de l’idéologie dominante. Tout le social est alors réinterprété à la lumière du devoir-être. C’est ainsi que les sociétés modernes peuvent être à la fois ultra-permissives et hyper-morales, porteuses d’un moralisme omniprésent que propagent leurs dévots, leurs missionnaires et leurs ligues de vertu. Elles relèvent de cet « hypermoralisme » dénoncé par Arnold Gehlen, qui amène à ne juger des idées et des faits qu’en fonction de leur désirabilité idéologique.

En 1986, Laurent Fabius déclarait déjà : « Ce qui nous sépare de la droite, c’est la morale ! » Un slogan comme « Touche pas à mon pote ! » était de toute évidence un slogan moral. La « lutte-contre-toutes-les-discriminations » est un programme moral. La dénonciation litanique des actes-racistes-antisémites-homophobes est le fait d’une cléricature morale. Le « politiquement correct », et les excommunications pour blasphème qui vont avec, est un code de langage moral. L’idéologie des droits de l’homme est avant tout une doctrine morale. Il est à cet égard remarquable que l’on ne s’occupe plus aujourd’hui de savoir si une idée est juste ou si elle est fausse, mais seulement de savoir si elle est « bonne » ou « mauvaise », si elle est « nauséabonde » (sic) ou si elle sent la rose. C’est ce nouvel ordre moral que le regretté Philippe Muray appelait l’« empire du bien ». Nietzsche aurait parlé de « moraline ».

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