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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 10:23
Le drame de Millas a un contenu humain, la douleur des familles, un technique (qui est responsable de l’accident ?), et un moral, politique, spirituel : les médias ont exhibé le spectacle d’une société occupée à ressasser le malheur, avec pleureuses professionnelles. Ce sont les jeux du cirque de la gouvernance globale.

 

C’est un trait de société : aujourd’hui, un accident de bus ou d’avion ne saurait se concevoir sans deuil national avec visite de hauts personnages, souvent le président de la république lui-même (Hollande à Puisseguin en 2015). Ces personnages, qui se sont dépouillés, lorsqu’ils devraient prendre des décisions, des attributs du pouvoir, hypertrophient lors des deuils leur fonction de représentation : incapables de protéger le peuple qui souffre, comme ce serait leur devoir, ils participent au culte du peuple qui se lamente, ils le conduisent en pontifes qu’ils sont, assistés des médias qui tiennent le rôle des pleureuses chantant les nénies.

Cette mise en scène n’est pas seulement indécente, elle est révélatrice d’une société qui sait qu’elle meurt et se délecte, en fin de compte, de la mort. On l’avait vu lors des obsèques de Johnny Hallyday. Encore leur ampleur comporta-t-elle quelque chose de spontané, malgré le soutien financier du show-biz et le soutien administratif de l’appareil d’État, l’un et l’autre étant intéressés. Mais dans l’accident de Millas, on doit se demander sans avoir peur de paraître indélicat qui paie la pompe funèbre extraordinaire de l’événement ? Ce n’est pas insulter les défunts, c’est au contraire protester contre l’atteinte à leur dignité qui leur est faite, que de relever la ressemblance entre leurs obsèques et les jeux du cirque : l’objectif du pouvoir est toujours d’amuser le peuple. Du pain et des cercueils, pendant ce temps-là on oublie que les élites mènent le peuple français à l’abattoir, on oublie les scandales, on oublie l’invasion. Le moindre incident donne lieu aujourd’hui à un suivi social, à une cellule de soutien psychologique, ce qui a pour effet et pour but de déresponsabiliser et d’infantiliser tant les individus que les familles. Le spectacle organisé des deuils particuliers est l’un des nouveaux moyens de maîtrise sociale de la gouvernance globale.

 

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