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7 avril 2018 6 07 /04 /avril /2018 11:03

J’apprends que la mairie de Paris se donne le temps de la réflexion pour savoir s’il faut débaptiser la rue Alain, dans le 14e arrondissement. Le journaliste et philosophe, qui n’était pas un grand résistant si vous voyez ce que je veux dire (1), aurait gribouillé des lignes teintées d’antisémitisme dans son journal intime.

Ne réfléchissez pas trop longtemps et foncez madame la maire, comme vous savez si bien le faire. Enfin, « foncez » est un bien grand mot car il est désormais rare de dépasser les 12 km/h dans notre belle ville, grâce à votre politique volontariste et courageuse. N’écoutez pas tous ceux qui vous critiquent, essentiellement parce que vous êtes une femme, comme vous le martelez à juste titre. (…)

Mais il ne faut surtout pas s’arrêter en si bon chemin, si j’ose dire. Car Alain est hélas l’arbre qui cache la forêt. D’innombrables rues de Paris portent encore aujourd’hui le patronyme de personnalités qui se sont fourvoyées dans l’antisémitisme. Jean Jaurès, par exemple, écrit en 1898 : « La race juive (…) toujours dévorée par une sorte de fièvre du gain quand ce n’est pas par la fièvre du prophétisme, manie avec une particulière habileté le mécanisme capitaliste, mécanisme de rapine, de mensonge, de corruption et d’extorsion » (2). Je propose donc fort logiquement que l’avenue Jean Jaurès (19e) soit aussitôt rebaptisée avenue du Vivre-ensemble.

Changeons aussi le nom de la rue Pierre Leroux (7e), cet autre socialiste ayant notamment écrit que le juif est « odieux par son esprit de lucre et de spoliation ». Ou encore la rue Joseph Proudhon (12e), lequel évoque en son temps « cette race qui envenime tout, en se fourrant partout (…) Le juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie, ou l’exterminer » (3). Même sort pour la rue George Sand (16e), la place Jacques Bainville (7e), la rue Charles Fourier (13e), la rue Gustave Le Bon (14e), l’avenue Pierre Loti (7e) ou encore le boulevard Auguste Blanqui (13e). Tous ont flirté avec l’antisémitisme, au même titre que Georges Bernanos, dont l’avenue dans le 5e arrondissement pourrait du coup être renommée avenue du Bouchon.

La rue des Goncourt (11e) est un trop bel hommage à ces deux grands amis d’Edouard Drumont, fondateur de la Ligue antisémitique de France, à qui l’antidreyfusard Alphonse Daudet prête de l’argent afin qu’il publie à son compte le pamphlet La France Juive. Je suggère par conséquent que la rue Daudet (14e) s’appelle désormais la rue de la double file. (…)

Que penser de cette statue qui trône sur le Sacré-Cœur, celle de Saint-Louis, le roi de France qui impose en 1269 le port de la rouelle, ce sinistre avant-goût de l’étoile jaune ? Ou encore du lugubre boulevard Voltaire (11e), futur Boulevard de l’heure de pointe ? En plus d’être antisémite (4), l’auteur de Candide devient à l’âge de 50 ans l’amant de sa nièce et affiche pleinement ses préjugés homophobes, assimilant la pédérastie à « un attentat infâme contre la nature », « une abomination dégoûtante » et une « turpitude ». Bel exemple pour notre jeunesse ! Pour couronner le tout, Voltaire est aussi férocement islamophobe et traite Mahomet d’« imposteur », de « fanatique » ou encore de « faux prophète ».

 

A ce sujet, j’ai le regret de vous informer que les rues de Paris sont pavées d’islamophobes en tout genre. C’est notamment le cas des rues de Tocqueville, Flaubert (5) et Alfred de Vigny (6), toutes situées dans le 17e arrondissement. Pourquoi ne pas les rebaptiser rue Edwy Plénel, rue Caroline de Haas et rue Clémentine Autain, des personnalités progressistes peu suspectes d’islamophobie ? Pour les mêmes raisons, changement de nom impératif pour le lycée Condorcet (9e) (7), l’école primaire Bossuet (6e) (8), la rue Chateaubriand (8e) (9), l’avenue Winston Churchill (8e)(10), la rue Ernest Renan (15e)  (11) ou encore la promenade Claude Levi-Strauss (13e) (12). (…)

Toujours dans le 13e arrondissement se trouve la rue Jean Giono, une des voix de Radio Paris, célèbre pour avoir déclaré : « Je préfère être un Allemand vivant qu’un Français mort. » A la Libération, l’auteur du Hussard sur le toit est inscrit sur la liste noire du Comité national des écrivains, issu de la Résistance. Je propose que cette rue soit illico rebaptisée rue des travaux permanents. La rue Louis Lumière (20e) pourrait devenir la rue du Point mort. L’un des précurseurs – avec son frère Auguste – du cinéma n’a jamais caché sa sympathie pour Mussolini et pour le Maréchal, ce qui lui vaut d’être décoré de la Francisque. D’ailleurs, puisqu’on évoque le sujet, la plus grande bibliothèque de la capitale porte le nom d’un autre décoré de la Francisque aux amitiés parfois douteuses. Trouvez-vous cela normal madame la maire ?

 

(NDLR : pour les notes se reporter au texte original : Source)

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