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6 mai 2023 6 06 /05 /mai /2023 09:53

La main est assurément l'une des parties du corps humain les plus utiles dans la vie quotidienne. Sans parler de celle de ma sœur, que l'on situe communément dans la culotte d'un zouave, la main est employée dans de nombreuses et fort diverses circonstances.

L'étymologie du mot en lui-même n'a rien d'original, puisqu'il vient du latin « manus » et qu'on le connaît depuis la fin du 10ème siècle.

Par contre la diversité des locutions mettant en cause la main est prodigieuse. Avec la main, on peut pratiquement tout faire. On peut par exemple « baiser la main d'une dame » et ça s'appelle le « baisemain ». Notre siècle de vitesse exige qu'on aille plus vite, et l'on baise directement la dame, sans s'attarder sur la main. Au 16ème siècle, ce verbe « baiser» avait fréquemment le sens de « baiser la main », puisque Molière fait dire à l'un de ses personnages, le jeune crétin Thomas Diafoirus, dans le Malade Imaginaire : « Baiserai-je, père?». Or, cette autorisation que le jeune homme demande à son papa ne concerne que la main de la femme qui était devant lui.

D'autres expressions paraissent hardies et se révèlent décevantes, comme cet innocent jeu de la « main chaude » où l'on se contente de jouer à se superposer les mains, activité qui peut durer longtemps et qui ne débouche sur rien de précis ni de bien excitant.

Autrefois, dans la société d'en haut, on demandait la main d'une jeune fille dans le but, par ce subterfuge, d'obtenir toutes les autres parties du corps. C'était bien hypocrite, mais il est vrai que demander par exemple le sein d'une fille, et seulement le sein, et encore un seul, ça fait un peu bébé demeuré. D'autre part, une formule comme « Monsieur j'ai l'honneur de demander le cul de votre fille » laisse supposer qu'on va négliger tout le reste et ça produira sûrement un très mauvais effet. Demander un œil, une oreille, non seulement ça fait un peu trop « toréador » d'une part, c'est-à-dire escroc puisque l'on sait par ailleurs, selon une chanson populaire célèbre, que le cul du toréador n'est pas en or, mais c'est en outre gravement suspect : on imagine dans ce cas précis, un tueur maniaque, découpeur de femmes.

Pourtant, il me semble que dans ce milieu bourgeois où l'expression était de rigueur, on aurait pu se montrer moins hypocrite et dire, par exemple, carrément : « Monsieur j'ai l'honneur de vous demander la main de votre fille et l'ensemble de son corps, y compris les parties les plus intimes, pour en jouir à mon gré ». Je sais bien que c'est un peu long, mais au moins on sait où l'on va !

On sait aussi qu'il existe des « petites mains », les couturières débutantes. A ce propos, la débutante désigne une jeune fille (débutante vient de débuter, qui est lui-même issu de buter, heurter, mais ce n'est pas très intéressant) qui sort pour la première fois dans la haute société (mot volé par les américains, qui nous l'ont rendu en 1930 avec ce sens). Malicieusement, Georges Brassens, emploie « débutante » dans le sens de prostituée. Finalement, ces femmes dites du monde ne sont pas très loin de la définition de l'auteur du « Gorille » (J'en profite pour signaler aux amateurs zoophiles que le gorille est très mal équipé. La bite (étymologie déjà étudiée) est ridiculement petite, à peu près de la même dimension que celle du héros du film japonais « L'empire des sens ».

Vous n'avez donc rien à craindre de Charles Pasqua, dont la filiation avec le singe est évidente, même pour un non spécialiste.

Je n'insiste pas sur le fait que la main se met n'importe où : au panier (déjà vu) à la pâte, sur son cœur, pour protester de la sincérité de ses sentiments (c'est plus élégant que de se la mettre à la braguette, et, jusqu'à aujourd'hui, cette attitude n'est pas punie par la loi. Mais ça vient, doucement) dans les poches (pour faire chier ceux qui prétendent travailler). On peut se la mettre au feu, ou prétendre qu'on la mettrait à couper, pour protester de son innocence. On peut évidemment en venir aux mains, attaquer à main armée, et jouer du piano à quatre mains, ce qui signifie jouer à deux personnes sur le même clavier, mais jouer à quoi, exactement ? Quant aux jeux de mains qui seraient des jeux de vilains, je crains qu'on ne sous-entende des activités que la morale réprouve.

Je retiendrais une curieuse expression parmi toutes celles que l'on peut répertorier. Quand on fait « main basse sur la ville », comme dans le film de Francisco Rosi, c'est qu'on prend possession des biens publics. Bizarrement, on a ensuite la « haute main » sur des secteurs de la société non négligeables. On a les « mains sales », certes, mais apparemment, en 2002, tout le monde s'en fout puisque l'on peut se payer (c'est bien le mot) un président qui a des « hommes de main », comme tous les présidents, c'est-à-dire, des vigiles. On dit aussi des tueurs à gages, ou, en tout cas, des lascars qui n'y vont pas de « main morte », et ceci bien que la mort, souvent, soit au bout de la main.

 

Rolland HENAULT ("Articles" volume 3 - Editions de l'impossible)

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