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2 mars 2013 6 02 /03 /mars /2013 10:08

celineJ’ai eu la chance de lire, sur les conseils d’un ami communiste plus âgé que moi, le « Voyage au bout de la nuit » à l’âge de 16 ans. Je peux dire aujourd’hui que Céline m’a accompagné depuis plus de 55 ans et qu’il m’a aidé à vivre dans la traversée du désert médical !

Quand je parle de Céline je veux dire tout Céline ! On ne retranche rien d’un auteur de cette dimension !

Céline parlait mon langage de paysan, c’est bizarre à première vue. Il n’aimait pas la campagne. Mais il aimait les hommes, à sa façon, sans attendre la moindre récompense ! Je me retrouvais en lui, en tant que membre de cette vaste confrérie inorganisée qu’on appelait le « peuple ».

Céline aime les pauvres au dessous de ce qu’on appelle le « seuil de pauvreté », il aime les gueux, les vaincus, les rejetés toutes catégories, ceux qui refusent les « bonnes manières » !

Il est, pour moi, un frère, et il m’aidera jusqu’à la fin !

J’éprouve pour lui cette tendresse qu’on a pour les solitaires, les grandes gueules qui refusent toutes les trahisons. C’est lui « l’humaniste » qui, pourtant détesta autant les juifs que les aryens, les noirs, les slaves. Mais uniquement sur le papier ! Il faut faire la part du langage, car souvent l’outrance l’emporte largement. Il va jusqu’aux limites les plus extrêmes. Dans les mots. La meilleure lutte contre les maux de la société actuelle, c’est la vie de l’esprit, le pouvoir de comprendre les mots, le ton, les finesses du langage.

Céline se mérite : il faut balayer la majorité des salades universitaires qui le présentent comme un nazi !

Il faut lire. Son œuvre, en totalité. Il répète toujours la même chose mais dans un langage de plus en plus dégradé. Il se fait le prophète et le chroniqueur de notre époque décadente. C’est nous que nous voyons à travers lui et c’est ce que les bourgeois ne supportent pas. Ils ne sont en effet pas beaux à voir ! Je laisse la parole à son premier grand biographe :

 « J’ai pensé, (dit François Gibault) mieux servir sa mémoire en le montrant tel qu’il m’est apparu et en lui restituant toute sa force, par-delà et à travers ses outrances et ses erreurs…

Céline fut un humaniste authentique et un pacifiste, mais au service de ses idées, il fut un homme et un écrivain de combat ».

Quant à Henri Godard, qui l’a fait publier dans la Pléïade, et qui a réussi à le mettre au programme de l’Agrégation, il commence par cette simple observation, qui concerne le début du « Voyage au bout de la nuit » :

« Ca a débuté comme ça » écrit Henri Godard, si vous traduisez en langage bourgeois, vous allez rectifier et ça donnera : « Cela avait commencé de cette manière » et ce ne sera plus la vérité du peuple !

Céline s’intéresse aux concierges, aux gens d’en bas, et pour cette raison, son style est le leur « s’ils savaient écrire » (Bernanos). Michel Audiard est son héritier cinématographique. On sent son influence sur les plus populaires des écrivains français : San Antonio… Alphonse Boudard, et plus tard Roger Nimier. Sur les écrivains américains de la « beat génération ». Un chapitre entier de Jack Kérouac, dans « Sur la route » lui est consacré. On le sent également présent dans les textes de Bukowski, de Fante… Et puis, bien sûr il se réclame raciste et antisémite, en grande partie à cause des « marchands de canons », comme Schneider, recyclé aujourd’hui dans les appareils ménagers, ou la dynastie des Krupp, dont le dernier rejeton mourut en 1967 dans l’Espagne franquiste. Tranquillement.

Quant à son procès pour collaboration, les juges se sont trouvés devant un dossier vide. On pourrait ajouter qu’il a eu beaucoup d’amis juifs dont Hindus, qui fit le voyage au Danemark pour le rencontrer, mais je préfère terminer sur ce qui peut apparaître comme un détail. Céline n’a jamais dénoncé qui que ce soit, il n’a jamais été accepté par la revue « Je suis partout ». Il a dit leur fait aux Allemands, il s’est moqué d’eux, ouvertement.

Et puis ce tout petit détail, où l’on peut voir que les donneurs de leçons d’aujourd’hui feraient bien de fermer leur gueule de menteurs.

Quand il travaillait au dispensaire de Bezons, il s’intéressait modérément aux malades, mais il laissait la porte ouverte aux clochards, à ceux que nous appelons aujourd’hui les S.D.F et que nous laissons crever sur les trottoirs. Céline s’assurait qu’ils trouvent au moins un peu de chaleur…Il trichait sur les cartes d’alimentation, il signait de faux certificats pour éviter le S.T.O.   Bref, ce sont toujours les plus démunis de tout qu’il a aidés, et parfois même des résistants, dont l’un est venu témoigner à son procès. M. Champfleury précisément. Vous ne trouverez ça qu’en lisant.

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commentaires

R
Mon mari a passé son enfance près de chez vous avec un de vos enfants et nous apprécions toujours autant vos écrits.
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