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3 octobre 2015 6 03 /10 /octobre /2015 09:34
Ca s’est fait comme ça… (Gérard Depardieu)

Gérard Depardieu est un classique de la littérature populaire. Oui, de la littérature. Il n’a écrit que deux « ouvrages » : « Les lettres volées » et un récit autobiographique : « Ca s’est fait comme ça ». En voici un extrait avec les commentaires de mon crû.

« A dix ans je suis dehors. Je regarde un peu entre les cuisses de la voisine, la Memmette, et je me branle la main dans la poche. J’entre dans les cinémas sans payer. Je traîne dans les magasins devant les étalages, une main dans la poche en train de me branler, c’est bon, ça chatouille, et avec l’autre je ramasse ce qui me fait plaisir. Il faut bien manger. J’apprends à repérer les mecs pas clairs, ce regard de curieux, de vicieux. J’apprends à sourire. Si tu ne souris pas, c’est que tu as peur, que tu es perdu –tu deviens une proie. »

Par où commencer ? C’est toujours le même problème, quand on est devant un texte qui sort de l’ordinaire. Un texte qui n’offre pas de prise au langage des gens dits « honnêtes ». Et pourtant il suffit de procéder selon les habitudes apprises.

1 / de quoi ça parle ?

2/ ton du texte ?

3/ explication détaillée ligne par ligne.

4/ conclusion à la fin.

De quoi ça parle ?

D’un errant, qui n’a pas de famille. D’une sorte de marginal.

Le ton du texte : familier, populaire.

Explication détaillée.

1ère phrase et la suite…

Importance de « dehors ». Ce jeune n’a pas reçu d’éducation et ça se voit. A « dix ans je suis dehors ». Toutefois il n’a pas l’air d’en souffrir. On peut comparer avec Rimbaud « Ma bohême ». Plus loin « je traîne » et « je ramasse ». Avant on a eu « sans payer ». En plus il repère des individus (des mecs) qui sont qualifiés de « pas clairs ».

Mais surtout ce jeune homme « se branle ». Il emploie des « gros mots ». Ici un peu de linguistique, c’est nécessaire. On va distinguer entre le signifiant et le signifié. Voir l’article ci-dessus. Il n’y a pas de « gros mots ». C’est le lecteur instruit qui voit des « gros mots ». Ici, Depardieu s’exprime sans préjugés. Il parle selon les mots qu’il a entendus, et qui lui plaisent parce que, pour lui, c’est la seule vérité. Donc, il regarde entre les « cuisses » de sa voisine et il dit qu’il « se branle ». Et il répète ce verbe. Dans le fond, c’est de la naïveté, de la pureté. De la même façon, il trouve naturel « d’entrer au cinéma » sans payer. Depardieu dit qu’il « ramasse » et c’est légitime pour lui. C’est une nécessité, pour les pauvres (« il faut bien manger »). Depardieu apprend à se battre, c’est la lutte pour la vie. Depardieu ne veut pas devenir « une proie ». On notera aussi le tutoiement. Parce que, pour Depardieu les hommes sont tous frères. Par nature. Depardieu est un « bon sauvage », façon Jean Jacques Rousseau. Il a compris ce qu’est « le mythe du bon sauvage » mais pas à l’école, dans la vie de tous les jours.

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