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13 juin 2020 6 13 /06 /juin /2020 10:14
                                  Pétition d’un voleur à son roi son voisin

 

    Sire de grâce écoutez-moi
    Je viens de sortir des galères
    Je suis voleur vous êtes roi
    Agissons tous deux en bons frères
    Les gens de bien me font horreur
    J’ai le coeur dur et l’âme vile
    Je suis sans pitié sans honneur
    Ah ! faites-moi sergent de ville

    Bon ! Je me vois déjà sergent
    C’est une maigre récompense
    L’appétit me vient en mangeant
    Allons sire ! Un peu d’indulgence !
    Je suis hargneux comme un roquet
    D’un vieux singe j’ai la malice
    En France je vaudrais Gisquet
    Faites-moi préfet de police

    Je suis j’espère un bon préfet
    Toute prison est trop petite
    Ce métier pourtant n’est pas fait
    Je le sens bien pour mon mérite
    Je sais dévorer un budget
    Je sais embrouiller un registre
    Je signerai votre sujet
    Ah Sire ! Faites-moi ministre !

    Sire ! Oserais-je réclamer
    Mais écoutez-moi sans colère
    Le voeu que je vais exprimer
    Pourrait bien ma foi vous déplaire    
    Je suis fourbe avare méchant
    Ladre impitoyable rapace
    J’ai fait se pendre vos parents
    Sire ! Cédez-moi votre place !

            

Pierre-François Lacenaire (1800-1836)

Bien éclipsée pendant un siècle par tant d’autres criminels aussi effrayants et plus récents, la figure de Lacenaire est sortie de l’ombre grâce aux "Enfants du Paradis" de Prévert et Carné. Fils d’honorables commerçants établis près de Lyon, élève au lycée de cette ville puis au petit séminaire d’Alès dont il est chassé, Lacenaire entame sa licence en droit à Chambéry. Ses indélicatesses et ses débauches le contraignent à chercher refuge à Paris en 1825. Il sait s’y faire accueillir par les journaux de l’opposition. Mais un duel malheureux en 1829, avec un neveu de Benjamin Constant, qu’il tue, le prive de ressources. Il vole et revend alors un cabriolet, ce qui lui vaut un an de prison purgé à Poissy. Il fait là, dira-t-il, son « université criminelle » et, dès sa sortie, fonde une association de malfaiteurs. Il encourt bientôt une nouvelle condamnation en 1832 et c’est en prison qu’il écrit une ballade qui le rend célèbre, "Pétition d’un voleur à son roi, son voisin". Cela lui vaut d’entrer au journal "Le Bon Sens" dirigé par Altaroche, un détenu politique, où il publie un article remarqué sur le régime pénitentiaire, "Les Prisons et le régime pénitentiaire" : Lacenaire y décrit l’initiation criminelle et les moeurs infâmes qui sont de règle dans les maisons centrales. Sans argent, il décide d’égorger les garçons  de recettes des banques au retour de leur tournée. Au deuxième crime, sa tentative échoue. Il est identifié et arrêté par le célèbre policier Canler en 1835. Les assises de la Seine le condamnent à mort. En attendant son exécution, il écrit ses Mémoires et Révélations qui dénotent un indéniable don littéraire; il reçoit dans sa cellule la haute société parisienne, « émerveillée  par son éducation et son talent », qui vient solliciter des autographes. Il est exécuté le 9 janvier 1836, refusant les prières de l’aumônier, lui qui avait écrit : « Dieu, le Néant, notre âme, la Nature. C’est un secret. Je le saurai demain. »

 

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