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16 décembre 2023 6 16 /12 /décembre /2023 09:39

Chaval est né à Bordeaux le 10 février 1915. Son vrai nom était Yvan Le Louarn. Il se suicide à Paris 53 ans plus tard, peu après la mort de sa femme, le peintre Annie Fourtina. Son principal trait de caractère fut la misanthropie. Sa vie fut discrète, son oeuvre n'est pas volumineuse (elle tient en 3 ou 4 livres) mais Chaval est l'un des dessinateurs français les plus importants du XXe siècle.

Les dessins de Chaval ont un trait simple, anodin mais ce sont souvent les légendes qui constituent l'essentiel. En voici un exemple. Dans une série de dessins, on voit André Gide acheter un journal. Puis un voleur lui vole son journal. Gide poursuit le voleur puis s'arrête essoufflé. Le voleur continue de courir pendant quelques minutes, il marche normalement et crie : "Demandez le journal de Gide !"

Les jeux de mots, les calembours et la dérision sont constants dans ses dessins et les légendes sont à prendre au pied de la lettre. Sont notamment dessinés : « Un officier de marine et capitaine au long cou », « Blériot s'entraînant à traverser la manche » (celle de sa veste, bien sûr), « Edison découvrant un phonographe » (en soulevant un drap), « Releveur de compteurs relevant le moral d'un abonné », « Eve suivant le premier venu ». Il dessine également : « un chien se retenant d'uriner devant un palais présidentiel », « un gendarme écrivant une lettre d'amour », « des pharmaciens fuyant l'orage », « un crétin ému par un hymne national », « un homme d'Etat victime d'une indisposition heureusement sans gravité » (il est étendu raide mort), « des papes étonnés par un gratte-ciel » ou encore « un homme de génie achetant un paquet de lessive ». Chaval dénonce la bêtise, toutes les bêtises de l'Homme. Ses personnages sont des petits bourgeois ridicules, lamentables, dérisoires.

Quand il en a assez de l'Homme, Chaval s'en prend aux animaux et ces dessins sont encore plus destructifs que les précédents car l'anthropomorphisme est évident. Chaval avait une chienne horriblement laide appelée Caca qui dut lui servir de modèle. Dans le recueil L'animalier, on découvre avec plaisir : « un prêtre qui refuse la communion à une autruche catholique», « un gorille lisant La Dame aux camélias », « un éléphant se souvenant parfaitement de Jules Grévy », « un gorille qui demande la main de la femme d'un explorateur ». Plusieurs de ces dessins, jugés trop agressifs ou trop absurdes seront refusés par les journaux où Chaval travaille. Ils seront publiés par Jean-Jacques Pauvert dans la revue Bizarre.

Mais le sommet de l'oeuvre de Chaval ce sont Les oiseaux sont des cons. Il s'agit d'une suite de dessins d'oiseaux avec une légende en-dessous. A l'origine, Chaval en avait fait un court métrage qui obtint un prix au Festival de Tours en 1964. A propos des Oiseaux sont des cons, on a dit qu'en trois minutes, Chaval en disait plus long que n'importe quel polémiste anarchiste. Le dessin renoue avec la tradition caricaturale : on y voit l'oiseau-curé, l'oiseau-militaire, l'oiseau-médicastre, l'oiseau-cuistre. Chaval s'en prend à travers eux à la société tout entière. Sa conclusion est sans espoir : « Les oiseaux seront-ils toujours des cons ? Oui les oiseaux seront toujours des cons. Eternellement ? Oui, éternellement ».

 

 

Extrait du blog de Philippe Charpentier

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