Après quinze minutes entières, sur les trente que compte le journal de 13 heures de France 2, consacrées à la neige qui tombe désormais en plein hiver, la présentatrice des infos télévisées, Elise Lucet, évoque avec le sourire qui convient ce qu’elle appelle « une bonne nouvelle » : le contrat à venir établi entre la France et l’Inde portant sur l’achat par le gouvernement de New Delhi de 126 avions Rafale à la firme Dassault.
Là-dessus, elle cède la parole à un journaliste spécialisé – en commerce extérieur ? en questions militaires ? On l’ignore, mais l’important, en cette époque où pullulent les experts, est précisément qu’il le soit. Ce dernier précise alors que seuls 18 de ces 126 avions de combat seront fabriqués en France, l’Inde se chargeant des 108 autres, grâce à un transfert de technologies.
Inquiète, le sourire un peu terni par cette précision préoccupante, Elise Lucet l’interrompt par une question angoissée : « Mais c’est tout de même une bonne nouvelle ?! » Affichant le sourire radieux d’un agent commercial au carnet de commandes plein comme un œuf, le spécialiste se fait aussitôt rassurant : « Oui, Elise, c’est une très bonne nouvelle ! Qui va assurer plusieurs milliers d’emplois sur cinq ans ! » On entendrait presque, alors, le soupir de soulagement de la présentatrice, redevenue tout sourire.
Devant cette joie manifeste des deux personnes présentes sur le plateau, à l’annonce d’une vente colossale d’engins de mort, jamais l’envie de devenir âne paisible dans un pré ne m’a autant saisi qu’en cet instant.