Par nature, le terme de « con » est subjectif. Ce qui se vérifie devant les tribunaux, surtout ceux spécialisés dans le droit de la presse. Ainsi, dire de quelqu’un qu’il est un « gros con » peut valoir une double condamnation en cas de plainte. « Gros », c’est de la diffamation, mais cela peut encore se prouver, le surpoids demeurant une notion plus ou moins subjective. Mais « con », c’est de l’injure. Et il n’y a rien à plaider ; juste à demander combien on devra payer.
Bruno Fuligni, qui n’est pas la moitié d’un maluche, n’évoque donc, dans son dernier ouvrage, Les Politiciens les plus cons de l’Histoire, que des cons morts ; ceux qui ne risquent pas de le traîner devant les tribunaux. Mais ce pourrait être le cas de leurs descendants. Dans l’absolu, oui. Mais on voit mal ceux d’Ala ad-Din Muhammad II (1169-1220) venir lui envoyer du papier bleu. En effet, ce brave homme, accessoirement empereur du Khwarezm, en Asie centrale, faillit bien devenir un second Alexandre le Grand. En 1218, il conclut un traité d’alliance avec Gengis Khan en personne. Au premier la domination sur l’Occident et celle sur l’Orient pour le second. Du « win win », comme on dirait aujourd’hui. Sauf que cette andouille d’Ala ad-Din ne trouve rien de plus finaud d’aussitôt attaquer une caravane de Gengis. Ce dernier, pantois devant une telle boulette, lui envoie trois ambassadeurs, histoire de mettre l’affaire au clair. Et l’autre andouille en tue un et tond les deux autres, humiliation suprême. Résultat ? Le sens de l’humour de Gengis Khan étant singulièrement limité, il mobilise son armée et, deux ans plus tard, rase l’embryon d’empire khwarezmien. Avouez que c’est ballot.
Si on laisse le mot "con" de côté, avouons qu’il existe, malgré tout, des crétins objectifs ne pouvant que forcer l’admiration, tel Pierre-François Gossin (1754-1794), député conventionnel si légaliste qu’il n’hésite pas à travailler pour le compte des Prussiens occupant alors la Meuse. Plus tard condamné à la peine de mort pour haute trahison par ses amis révolutionnaires, il a la chance d’échapper à l’appel des suppliciés. Respectant l’autorité de la chose jugée, il descend de la charrette et monte tout seul comme un grand à l’échafaud. C’est ça, d’avoir le légalisme chevillé au corps, quitte à ce qu’il soit coupé en deux.
Pourtant, la bêtise n’exclut pas le manque de logique, tel qu’en témoigne l’entêtement d’un certain Ernie Chambers, élu du Nebraska, né en 1937 et athée militant. À tel point qu’il assigne Dieu en justice pour être responsable de « la mort, la destruction et la terreur généralisée de millions et de millions d’habitants de la Terre ». Mais la plainte n’est pas recevable, le tribunal faisant remarquer que le Tout-Puissant ne possède pas d’adresse officielle à laquelle faire parvenir l’assignation. Qu’à cela ne tienne, rétorque cet esprit fort : « S’il est omniscient, il aura forcément connaissance du courrier. » L’affaire est, depuis, au point mort. Surtout que personne n’a jamais compris pourquoi quelqu’un qui ne croyait pas en Dieu voulait lui intenter un procès. C’est-à-dire qu’il croyait à une entité dont, par ailleurs, il niait l’existence. Faudrait savoir.
Dans un registre similaire, l’entêtement idéologique n’est pas toujours bon conseiller, à en croire le funeste destin de Péter Vàlyi (1919-1973), ministre des Finances de la République de Hongrie. Voulant vanter les réussites de l’industrie locale, c’est en grande pompe qu’il visite le combinat sidérurgique Lénine, sis à Miskolc, trébuche sur une passerelle et se vautre dans un creuset empli de fonte en fusion. « Un confondu », note l’auteur, malicieux.
Et une petite dernière, pour la route. Qui se souvient encore d’Adolphe Pédebidou (1854-1925), député républicain des Hautes-Pyrénées ? Hormis son patronyme rigolo, il est connu pour avoir été le passager d’un train s’étant vautré dans le Clain, jolie rivière poitevine. Ce qui fait écrire à Bruno Fuligni : « Il est le seul parlementaire de l’Histoire mort noyé en chemin de fer. »
Ne reste plus qu’à attendre un prochain volume, consacré à notre actuel personnel politique. Il y a de quoi faire.

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